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"Ils accepteront ta liberté de femme, si ta liberté porte les habits de la folie."

vendredi 10 mars 2017

Je n'avais pas tari d'éloges sur La langue des bêtes de Stéphane Servant, une découverte et un énorme coup de foudre qui a eu lieu fin 2016 et dont j'ai toujours du mal à me remettre. Alors forcément, j'ai voulu lire son roman précédent, Le cœur des louves, paru en 2013 aux éditions du Rouergue. Alors, suspense! Ai-je retrouvé les choses qui m'avaient fait palpiter derrière mes pages?

Célia est arrivée seule, à la fin de l'été. Livrée à elle-même dans la vieille maison, elle attend sa mère. Le village est toujours pareil, perdu au fond de la vallée, avec ses montagnes couvertes de forêts et son lac Noir.
Leur retour réveille de vieilles histoires.
Celles d'une grand-mère à la réputation sulfureuse. Car ici, tout le monde se connaît depuis toujours. On s'aime trop ou on se hait et ce sont les hommes qui font la loi, par la force s'il le faut.
Pour découvrir ce qui se cache sous la surface des choses, elle devra se tailler un chemin, entre mensonges et superstitions.
Et se faire louve pour ne pas être proie.

Je ne peux pas me retenir plus longtemps. J'ai adoré. Ce roman ne fait que confirmer ce que je savais en fait déjà : Stéphane Servant, je crois qu'il écrit pour moi. Si si. Enfin, quoiqu'il en soit, ses thèmes, ses personnages, ses décors et ses récits sont en totale adéquation avec ce que je cherche chaque fois que j'ouvre un livre. 

Dans Le cœur des louves, on retrouve des thèmes chers à l'auteur : la proximité d'une forêt, lieu de magie, de découverte, d'introspection et de terreurs ; les non-dits qui, dans un effet boule de neige terrible, se transmettent de génération en génération en faisant de sacrés dégâts ; la frontière invisible entre la sanité d'esprit (oui, oui, c'est comme ça qu'on dit) et la folie, qu'il est si facile de franchir ; le regard de l'autre, celui qui ne vit pas comme toi et que tu as tant de mal à comprendre ; le pouvoir des histoires et des mots, qui peuvent à la fois être sauveurs ou bourreaux.

Ici, le récit se pare également d'une réflexion assez poussée sur la condition féminine, au travers de quatre personnages complexes et très profonds. Il y a d'abord Célia, la jeune héroïne, qui face à un père démissionnaire et une mère absente, se sent invisible, ignorée, inconséquente et mal-aimée. La colère bouillonne en elle, ça brûle, ça déborde. Face à elle, sa mère, Catherine, écrivaine en panne d'inspiration qui passe ses nuits sur des manuscrits qu'elle ne rend jamais. Effacée, enfermée dans sa bulle et inaccessible, elle est une énigme pour le lecteur, qui la voit enchaîner les flirts et les périodes de déprime avec la même incompréhension que sa fille. Une génération au-dessus encore, il y avait Tina, une grand-mère secrète, solitaire, un peu sorcière, dont ses descendantes ne savent rien, à part que le village entier la méprisait et la craignait. Et enfin, Alice, une jeune fille de l'âge de Célia, au père violent et à la vie dissolue, qui reprend vie avec l'arrivée de Célia au village et par qui les nœuds du destin vont commencer à se dénouer pour faire sens.

Ces quatre femmes vivent hors du monde pour pouvoir devenir elles-mêmes, telles les louves qui battent la forêt la nuit, exprimant leur être le plus profond, le plus simple, le plus évident, en se débarrassant des carcans de la vie sociale et du regard d'une société normée. Ce roman crie la difficulté d'être en groupe comme on aimerait être avec soi-même, surtout pour les femmes dans des milieux encore trop patriarcaux ; ici, dans le village où se déroule le roman, ce sont toujours des hommes qui font la loi, qui décident, qui prennent sans donner, qui détruisent sans reconstruire. La femme, recluse et secrète, n'a que la magie de son ventre fertile pour exister, pour faire peur et obtenir un certain respect. Heureusement, le personnage d'Andréas, jeune homme rêveur et solitaire qui fabrique du papier, éclaire tout cela d'une lueur d'espoir.

Ce roman, c'est un retour à ce qu'il y a de plus primitif dans les sociétés humaines. On va y fouiller à mains nues dans le charnier complexe laissé derrière elle par une humanité qui veut comprendre et maîtriser, pour en retirer le petit diamant précieux, celui de l'amour et de la solidarité. La parole, le propre de l'homme, est ici un symbole fort : le silence blesse et détruit, les mots apaisent et reconstruisent. 

Et vu que j'aimerais toujours les histoires qui défendent le pouvoir magique des mots, je crois que ce roman rejoint les quelques autres que je relirai précieusement toute ma vie.


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Là où le présent caresse, plus tard le passé pince.

mardi 6 septembre 2016

Quand Tatiana rencontre Eugène, elle a 14 ans, il en a 17 ; c’est l’été, et il n’a rien d’autre à faire que de lui parler. Il est sûr de lui, charmant, et plein d’ennui, et elle timide, idéaliste et romantique. Inévitablement, elle tombe amoureuse de lui, et lui, semblerait-il… aussi. Alors elle lui écrit une lettre ; il la rejette, pour de mauvaises raisons peut-être. Et puis un drame les sépare pour de bon. Dix ans plus tard, ils se retrouvent par hasard. Tatiana s’est affirmée, elle est mûre et confiante ; Eugène s’aperçoit, maintenant, qu’il la lui faut absolument. Mais est-ce qu’elle veut encore de lui ? 

Songe à la douceur est le nouveau roman de Clémentine Beauvais, la merveilleuse auteure du roman Les petites reines dont je vous avais fait un éloge dithyrambique. Elle nous revient cette fois-ci avec un roman audacieux en forme d'ovni, une réécriture du roman d'Alexandre Pouchkine Eugène Onéguine, réécriture également fortement inspirée de l'opéra que Tchaïkovski en a tiré. Le roman original étant lui-même écrit en vers, Clémentine Beauvais a choisi le vers libre pour relater une version moderne de l'histoire.

Je ne connaissais ni le roman original, ni l'opéra, et j'ai donc plongé dans ma lecture avec naïveté et curiosité. Et encore une fois, Clémentine Beauvais a su s'adresser à l'adolescente romantique et complexée qui demeure quelque part au fond de moi. Eugène et Tatiana, ces deux adolescents qui se côtoient le temps d'un été, sont plein de certitudes et de sentiments trop grands pour eux, et la narration, qui fait sans cesse un va-et-vient du passé au présent, aide à comprendre comment ce que l'on vit dans notre jeunesse peut ou non influencer l'adulte que l'on devient. C'est un roman certes qui parle d'une histoire d'amour à la fois banale et grandiose, mais c'est aussi un roman sur le fait de devenir adulte, sur les choix que l'on peut faire dans sa vie, sur ce qu'on décide de faire de notre existence. J'ai particulièrement été touchée par la naïveté de l'adolescente Tatiana face à la rigueur et la persévérance de l'adulte Tatiana.

Encore une fois, l'auteure semble particulièrement attirée par les histoires que relatent nos historiques de messagerie instantanée, les SMS et les e-mails. Dans Les petites reines, elle s'intéressait surtout aux réseaux sociaux. Dans Songe à la douceur, on replonge en 2006 à l'heure de MSN et des textos hors de prix. C'est délicieusement désuet tout en évoquant les souvenirs de toute une génération. Aujourd'hui, les histoires d'amour ne sont pas moins vraies parce qu'elles se construisent à coups de poke et de discussions sur Skype : en tous cas, c'est une des choses que l'on peut retenir de ce livre.

Quant au style, il est vrai que si le choix d'un roman en vers est inattendu, il est au final plutôt bien vu, car la musicalité du vers rend à la fois compte de la poésie des instants narrés tout en imitant la musicalité d'un opéra. Clémentine Beauvais compare volontiers Tatiana à la flûte et Eugène au basson, et sans connaître la musique de Tchaïkovski, on se surprend à entendre les timbales gronder ou les violons vous arracher une larme. C'est bien vu, bien exécuté, même si j'ai trouvé que ce choix autorisait parfois le récit à traîner en longueur là où les choses auraient pu être plus brèves.

Est-ce que Songe à la douceur est bien le phénomène tant primé sur les réseaux sociaux? D'un côté, le récit amer et passionné d'une histoire d'amour à côté de laquelle les personnages n'arrêtent pas de passer est un thème fort peu abordé en littérature jeunesse. Ce roman, en modernisant une tragédie classique, en lui donnant les accents de la modernité, permet de faire entrer les erreurs et les errances dans le paysage parfois trop codifié de la littérature pour adolescents et jeunes adultes. La narration en vers est originale, pas trop lourde et terriblement agréable, donnant de la musique et du rythme au récit. D'un autre côté, difficile de savoir à qui se roman se destine, et j'ai personnellement trouvé qu'Eugène est un personnage tête-à-claques à qui j'aurais volontiers filé quelques baffes. En tous cas, on passe un beau moment et on referme le livre avec un goût doux-amer dans la bouche en rêvant de belles et grandes choses, et c'est en partie, je pense, ce que souhaitait l'auteure.


N'hésitez pas à lire ce qu'en pensent Bob et Jean-Michel!

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"Le groupe La bande La famille Le nœud La meute Ils sont là."

vendredi 17 juin 2016


J'ai eu envie de lire ce roman dès que ma copine Camille en a parlé sur son blog, et j'ai profité d'une dédicace de Marion Brunet au festival Rue des Livres à Rennes pour l'acquérir et le faire dédicacer. Je savais que j'allais ressortir de cette lecture grandie, enrichie, car c'est le pouvoir magique de la collection Xprim' de chez Sarbacane. Mais à ce point... Je vous parle aujourd'hui du roman Dans le désordre, écrit par Marion Brunet et paru en janvier dernier.

Ils sont sept.
Sept qui se rencontrent en manif, dans la révolte, dans le désordre, refusant la vie qu'on leur impose. Ils décident de vivre ensemble, en squat et en meute.
Et au cœur de la meute, il y a Jeanne et Basile, qui découvrent l'amour, celui qui brûle et transporte.

Après une manif qui a viré à l'affrontement, sept énergumènes aux horizons différents, mais habités des mêmes interrogations, des mêmes incompréhensions, des mêmes colères se retrouvent à vivre tous ensemble dans un squat, à refaire le monde pour y trouver leur place. Tonio, Marc, Alison, Lucie, Jules, Basile et Jeanne ont en effet le point commun d'être des personnes pour qui le monde ne fonctionne pas si bien que ça. Nivellement par le bas, lois économiques, mensonges politiques, classes sociales qui s'ignorent mutuellement, injustices quotidiennes et aberrations du capitalisme, depuis l'école jusque dans leurs assiettes, tout cela, ils en ont ras-le-bol. Rentrer dans le moule? Non merci.

Nous suivons principalement Jeanne, une jeune femme caractérielle et romanesque, qui tente de savoir ce qu'elle peut bien mettre dans sa vie pour lui donner sens, mais nous côtoyons également, dans un chouette va-et-vient narratif, les six autres membres de la bande et leurs histoires. Ils sont sept, mais à les fréquenter ainsi tout au long du texte, on se plaît à penser que nous faisons nous aussi partie de cette petite bande tendre et hétéroclite.

Et puis, au delà d'un univers trop peu abordé en littérature jeunesse et de personnages terriblement attachants, il y a le texte, franc, nu, parfois un peu bordélique mais tellement proche de la vraie vie, tellement fort et percutant qu'on se surprend à relire des paragraphes à l'infini pour s'imprégner des mots et de leur vérité. Petit florilège.
*
Marc était dans son élément, à hurler sa haine d'un monde éternellement inégalitaire, violent jusque dans ses inerties.
*
Ils se taisent. Et puis ils se mettent à rire, en salves béates, en complicité émue. Se souviennent que la fête continue, à coups de corps dansants, de mots hurlés pour être entendus, de sons élastiques et flous qui remontent jusqu'à eux. Ils s'en foutent puisqu'ils brûlent, qu'ils sont une fête à eux tout seuls.
*
La cabane, c'est la place en creux pour la rêverie, la solitude ou le silence des initiés, des serments, de la pluie qui passe entre les bouts de cloison. Le loup peut souffler et entrer, c'est vrai, mais on s'y emmerde moins que dans une maison Phénix avec alarme et double vitrage.
*
Ils sont vivants, et jamais ils ne l'ont été de manière aussi palpable. ça circule dans leurs veines, leurs regards parlent pour leurs bouches, leurs mots ont un sens commun, leurs peaux vibrent à l'unisson.Dans la chaleur du printemps, face à mille hommes casqués qui ne leur veulent pas de bien, fouillée par les flics et reniflée par les chiens, Jeanne ne peut pas s'empêcher d'être heureuse.
*
Ce roman est essentiel, parce qu'on vit dans un monde qui prône l'ordre alors que tout est dans le désordre : nos vies, nos histoires, nos blessures, nos espoirs, nos peurs. Un texte incontournable et formateur, qui invite à s'interroger sur les chemins qu'on a pris. En ce qui me concerne, je pense que je vais commencer à tracer mon propre petit sentier, quitte à faire des détours et m'écorcher les genoux.


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"It's not what you take, it's what you leave."

vendredi 4 mars 2016

Allez, c'est la veille de mon anniversaire et pour l'occasion, j'ai envie de vous parler d'un livre plein de chaleur et de joie de vivre. Quoi de mieux que le très joli All the bright places de Jennifer Niven, traduit en français chez Gallimard sous le titre de Tous nos jours parfaits et qui traite d'un sujet qui vend du rêve : le suicide chez les ados.

Promis, quand j'aurai soufflé mes bougies et que je serai un peu plus vieille et sage, j'arrêterais l'ironie. Peut-être. C'est parti.

Quand Violet et Finch se rencontrent, ils sont au bord du vide, en haut du clocher du lycée, décidés à en finir avec la vie. Finch est la "bête curieuse" de l'école. Il oscille entre les périodes d'accablement, dominées par des idées morbides et les phases "d'éveil" où il déborde d'énergie. De son côté, Violet avait tout pour elle. Mais neuf mois plus tôt, sa sœur adorée est morte dans un accident de voiture. La survivante a perdu pied, s'est isolée et s'est laissée submerger par la culpabilité. Pour Violet et Finch, c'est le début d'une histoire d'amour bouleversante: l'histoire d'une fille qui réapprend à vivre avec un garçon qui veut mourir.

Il m'a fallu un peu de temps pour vous parler de cette lecture et réussir à avoir un avis un peu plus objectif. Car la première chose qu'on peut dire de ce roman, c'est qu'il remue et interroge.

Deux adolescents que tout sépare - leurs classes sociales, leurs cellules familiales, leurs histoires, leurs popularités au lycée - se découvrent, par pure coïncidence, un macabre point commun : celui de vouloir mourir. 

Violet porte sur ses épaules le poids de la culpabilité : elle est persuadée que c'est de sa faute si sa sœur aînée s'est tuée en voiture. Elle a du coup pris beaucoup de recul sur ses amis superficiels, sa vie de rêve et l'importance de l'école. Son existence n'a plus de sens. Rien n'a d'importance. Ses parents, dévastés par la mort de leur fille mais tout aussi inquiets de voir la seconde s'effacer, s'inquiètent pour elle et ne désirent qu'une chose, la voir revenir à la vie.

Finch, de son côté, oscille entre des phases "d'éveil" où il embrasse la vie avec folie et gourmandise, et d'autres phases où il "s'endort" et s'enferme dans un silence noir, rempli d'idées macabres, apprenant par cœur des statistiques et des citations sur la mort et le suicide. Sa famille est en pièces : son père est parti depuis longtemps pour vivre avec une autre femme, sa mère est transparente et n'est jamais à la maison, sa sœur aînée vit sa vie et sa petite sœur commence à montrer des signes d'obsessions étranges, elle aussi. C'est chacun pour soi dans cette fratrie hantée par les épisodes de violence et de cruauté vécues lorsque leur père était à la maison. Tout le monde sait que quelque chose cloche avec Finch, mais personne n'en parle ou décide de faire quoi que ce soit.

Les deux jeunes gens se retrouvent ensemble à faire un projet de géographie : celui d'écumer l'Indiana pour y faire des reportages sur des endroits insolites, importants ou historiques. C'est le début d'une grande chasse au trésor où les adolescents, loin de chercher à réussir leur devoir, vont surtout chercher à se comprendre et à trouver leur place dans ce monde vaste et dénué de sens. L'âme artiste et fantasque de Finch entraîne Violet dans des expériences inédites qui, peu à peu, lui redonne goût à la vie. On retrouve des éléments très efficaces qui ont déjà fait leurs preuves dans Le monde de Charlie ou Nos étoiles contraires : des scènes où les adolescents, face à l'infini, expriment leurs doutes et leurs angoisses ; d'autres où le dialogue est merveilleusement profond et mélancolique ; d'autres encore où la joie d'être en vie finit par surpasser toutes les autres émotions. C'est beau, c'est grand, ça n'apporte pas de réponse mais ça pose les bonnes questions.

Jennifer Niven prend soudain le parti de gifler le lecteur et de jeter un grand froid soudain sur cette histoire d'amour jeune et frétillante. On pleure (un peu), on s'insurge, on se révolte face à l'absurdité de la chose. Mais ce roman ne se veut pas un conte de fées : c'est une mise en garde, un appel au secours, un coup de pied dans la fourmilière. On a envie de prendre les personnages et de les secouer, tous : le CPE du lycée, les profs, les parents, les soit-disant amis, et de leur mettre la tête à l'endroit. Mais faites quelque chose, crie le lecteur. Et personne ne fait rien.

Parler de sujets aussi pointus, complexes et sombres que la bipolarité, la dépression ou le suicide dans un roman aurait pu entraîner caricatures et généralités dangereuses. Mais non. Tous nos jours parfaits est un très bon livre coup de poing qu'il faut partager et faire lire. Ce n'est ni de la grande littérature, ni un mode d'emploi, mais c'est une mise en garde nécessaire et importante saupoudrée d'un peu d'espoir.


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"Car le diable ne peut arriver à ses fins sans votre aide. Il ne triomphe que si vous lui ouvrez la porte."

jeudi 25 février 2016

Amateurs de frissons, de secrets de famille et de jouets ensorcelés, vous allez adorer Le Passage du Diable d'Anne Fine, paru en 2014 à l'Ecole des Loisirs.

Depuis son plus jeune âge, Daniel Cunningham a vécu enfermé, avec pour seule compagnie les livres et sa mère - qui l'a gardé reclus, à l'écart du monde extérieur, et qui n'a cessé de lui répéter qu'il était malade. Un jour, des coups frappés à la porte vont tout changer. Des voisins ont découvert son existence, et résolu de libérer Daniel de l'emprise de sa mère. Pris en charge par le Dr Marlow et sa famille, il va découvrir peu à peu que tout ce qu'il tenait pour vrai jusque-là n'était qu'un tissu d'histoires racontées pour le protéger. Mais le protéger de quoi ? De sa vie d'avant, Daniel n'a gardé qu'une maison de poupée. Et pas n'importe quelle maison de poupée : c'est la réplique exacte de la maison natale de sa mère, une maison qui recèle de nombreux et sombres secrets. Jusqu'à quels vertiges ces secrets conduiront-ils Daniel ?

Dans ce roman flirtant entre fantastique et enquête, Anne Fine se joue de nos nerfs et de nos attentes. Le jeune héros, Daniel, nous raconte comment sa vie a basculé du jour au lendemain : d'enfant malade couvé par sa mère, sans aucun contact avec le monde extérieur, il se découvre en réalité en parfaite santé, victime d'une mère folle et héritier de nœuds de secrets familiaux difficiles à dépêtrer. Ajoutez dans ce chaudron de mystères désagréables une maison de poupée unique entourée d'une aura maléfique, et vous obtenez un superbe roman d'angoisse situé en pleine Angleterre victorienne.

C'est surtout la touche fantastique, distillée tout le long du roman, qui m'a conquise et ensorcelée. Nous voyons tout du point de vue de Daniel, qui, comme nous, oscille entre plusieurs versions des faits : sa mère était-elle vraiment folle? Avait-elle une raison valable de craindre pour la vie de son fils? La maison de poupée qu'elle lui a léguée est-elle ensorcelée? Est-ce une coïncidence si sa mère finit tragiquement comme la poupée accrochée à un fil? Quelle était cette poupée inquiétante aux deux visages enfermée dans un petit coffre dissimulé sous une fenêtre? Est-ce un hasard si au même moment un oncle inconnu et bipolaire refait surface dans sa vie?

C'est avec beaucoup de talent qu'Anne Fine tisse des fils de mystères et de magie dans une toile pourtant très réaliste et logique. Et la fin, même si elle manque peut-être de surprises, a tout pour ravir le lecteur et lui rendre enfin le souffle après trois cents pages d'angoisse. Une belle réussite, un fantastique véritable, genre trop peu mis en avant dans la production pour la jeunesse. Un régal!

TTT - 10 livres que je lirai en 2016!

mardi 5 janvier 2016

J'ai pris une résolution, celle de faire descendre ma pilalire, alors j'ai sélectionné dix livres qui sont dans ma bibliothèque depuis plus de deux ans ou que je veux lire depuis des mois et qu'il faut absolument que j'ai lu avant l'année prochaine. Petit Top Ten Tuesday rapide et efficace! Cliquez sur les couvertures pour accéder aux résumés des bouquins!

 

 

 
 
 

Pfiou, j'ai encore pas mal de pain sur la planche! Avez-vous lu ces livres? Par lequel me conseilleriez-vous de commencer?

"J'ai souvent eu envie d'être un arbre pour contempler l'humanité avec plus de sérénité."

dimanche 3 janvier 2016

Et on commence l'année avec un roman percutant, qui vous donne envie de tout plaquer pour recommencer à zéro au milieu des grands espaces. Dylan Dubois, sorti en novembre dernier, est un roman paru dans la collection Exprim', aux éditions Sarbacane, écrit par Martine Pouchain.

Après un an en foyer, Dylan, un garçon de 16 ans tendre et solitaire, rentre chez lui... où une surprise l'attend : son père a remplacé sa mère, partie trois ans plus tôt. A priori, Dylan n'a rien contre Cynthia, sa séduisante belle-mère. Sauf quand elle met son chien Rusty dehors "parce qu'elle ne supporte pas son odeur". Et puis, Dylan ne comprend pas pourquoi son père mute caniche dès qu'elle le siffle... Mais le pire, c'est quand il comprend. Cynthia n'est pas juste une belle-mère désagréable : c'est une machine à démolir les gens. Dylan n'a plus qu'une issue : se tirer avec Rusty. Direction la forêt!

Je me lançais dans cette lecture avec confiance et sérénité : j'avais adoré Les Petites Reines et Quelqu'un qu'on aime, deux autres romans parus cette année dans la même collection, et je dois avouer que mon a priori se muta en certitude : la collection Exprim', c'est de la bonne.

Ce que j'ai d'abord admiré, c'est l'exactitude avec laquelle Martine Pouchain plonge dans des sacs de nœuds en apparence inextricables, qu'il faudrait prendre des mois pour en expliquer l'origine, et réussit à nous résumer en quelques mots des situations délicates. Quiconque connaît le poids écrasant des vérités qui se taisent reconnaîtra le talent de l'auteur à rendre dans toute sa complexité l'horrible angoisse des tensions familiales qui s'éternisent.

Car Dylan n'a pas de foyer stable. Sa famille a explosé comme un miroir sous un trente-trois tonnes. Il rentre après un an loin de son père pour le retrouver certes moins dépendant de l'alcool mais intoxiqué par une femme destructrice et manipulatrice. Mais Dylan est intelligent, il s'imprègne de lectures et se saoule de longues promenades dans la nature, loin des hommes et de leur attirance pour se faire du mal. Jusqu'au jour où sa future belle-mère, dans un coup de grâce finement joué, réussit à le faire quitter la maison. Il s'enfonce alors, en compagnie de son meilleur ami, son chien Rusty, dans la nature et marche à travers la France pour, peut-être, trouver sa place chez sa mère. 

Dylan, c'est celui qui veut revenir à l'essentiel : manger à sa faim, se contenter de peu, cultiver les relations saines et enrichissantes, se rapprocher de la nature. Par sa soif de grand air et sa fuite désespéré d'un foyer où ne l'attend que le malheur, il finit par se détacher de ce qui le coinçait dans l'enfance et marche d'un pas sûr vers l'adulte qu'il veut devenir. Ses rencontres le confortent et le réorientent dans son choix. Ce road-trip en forme de randonnée vagabonde sera sa délivrance et le meilleur moyen de se trouver.

J'ai adoré ce voyage. Accompagner Dylan sur la voie de son futur pousse à s'interroger sur ce qui fait l'essence de notre vie. Doit-on courir derrière les diplômes? Dépendons-nous vraiment des autres? Qu'est-ce que l'amour? Que faire du sac à dos familial que nos parents nous refilent à leur insu à la naissance?

Un beau roman rafraîchissant et intelligent sur l'émancipation et l'acceptation de soi. Deux thèmes qu'on retrouve également dans Les Petites Reines et Quelqu'un qu'on aime, et je pense que ce serait très intéressant de comparer les messages véhiculés par ces trois romans si semblables et pourtant différents. Je m'en chargerai peut-être un de ces quatre!

 
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"Je perds tout, mes mots, mes clés, mon portefeuille, ma vie."

mardi 1 décembre 2015

J'avais adoré Les Petites Reines de Clémentine Beauvais, alors j'ai voulu découvrir un autre roman de la collection Exprim' de chez Sarbacane, Quelqu'un qu'on aime de Séverine Vidal, sorti quelques mois plus tard. 

Matt a un projet fou : refaire avec son grand-père Gary la tournée d’un crooner mythique des années 50, Pat Boone. Un road-trip pour rattraper au vol les souvenirs qui s’échappent…

Mais rien ne se passera comme prévu ! Peu avant le départ, Matt apprend qu’il est le père d’une petite Amber de 18 mois – et qu’il doit s’en occuper pour quelques semaines. À l’aéroport, une tornade s’annonce : les avions ne décollent plus. Matt, Gary et le bébé grimpent à bord d’un van de location… et, ultime surprise, deux personnes les rejoignent : Luke, ado en fugue, et Antonia, trentenaire prête à changer de vie.

Tous ensemble, ils font cap vers l’Ouest du pays. Arizona, Californie, Nevada, sur la piste du passé, des souvenirs et autres histoires bien vivantes. On les suit, d’étape en étape, tandis qu’ils commencent à former une tribu bancale, une petite famille folle et joyeuse, réunie autour de Gary.

J'embarquais avec plaisir en compagnie de cette tribu hétéroclite pour un road-trip loin des clichés, avec des heurs, des drames, des mauvaises surprises et de belles rencontres. On s'attache vite à chacun de ces personnages un peu brisés, un peu perdus, qui se retrouvent ensemble par hasard et qui finissent par former une vraie famille. C'est joli, c'est touchant, c'est tour à tour drôle et larmoyant.

Parce qu'entre un vieux atteint d'Alzheimer, un jeune à qui on a arraché sa vie, une trentenaire qui sort d'une relation violente, et une aventure qui ne se passe pas du tout comme prévu, Séverine Vidal nous fait voyager du rire aux larmes. Le cœur tressaute, on s'attend à ce que tout se passe comme sur des roulettes et on finit par se prendre de belles raclées...

Je regrette juste un peu le cadre de l'Amérique profonde qui, s'il permet aux personnages de revenir sur la mythique tournée de Pat Boone, n'est à mon sens pas suffisamment exploité. J'aurais aimé que le décor accompagne davantage l'histoire, mais après tout, ce sont les personnages la vraie force de ce roman. Cela se passerait en Europe qu'il n'en serait pas moins touchant.

Un très joli roman sur les surprises que nous réserve la vie, sur le pouvoir de l'optimisme et sur le bonheur qui naît du fait d'être ensemble. 

"Les personnes qui ne s'expriment pas meurent à petit feu."

lundi 2 novembre 2015

Je suis actuellement dans ma phase "ohmondieujedoistuermapilalire", du coup je lis mes romans par thématique. En ce moment, je suis dans les romans parlant d'adolescents traversant des périodes plus ou moins difficiles dans leurs vies. Aujourd'hui, je vous parle de Vous parler de ça que j'ai lu aux éditions La belle colère.

En 1998, Laurie Halse Anderson, jusque-là auteur pour enfants, est réveillée par les sanglots d'une jeune fille. Dans la maison, ses enfants dorment à poings fermés; c'est un cauchemar qui a réussi à la tirer du sommeil. Répondant au besoin de se vider l'esprit des pensées sombres qui s'y agitent, Laurie attrape un carnet et y couche le brouillon d'une histoire, celle d'une jeune fille qui ne parle plus depuis un terrible crépuscule d'été. 

Vous parler de ça est un texte qui secoua beaucoup la Young Adult anglo-saxonne depuis la fin des années 90 mais qui n'arriva en France qu'en 2014, grâce au regain d'intérêt amené par John Green et d'autres auteurs américains pour des textes forts, plein de véracité et de sujets profonds traités avec sérieux et tendresse.

On ouvre le livre sur Melinda, une jeune fille de quatorze ans qui entre au lycée (avec toutes les horreurs qui suivent l'entrée dans un lycée américain, les clans, la popularité, l'argent, les fringues), et qui trimbale derrière elle une mauvaise réputation. En effet, tout le monde sait qu'elle a gâché la fête de l'année l'été dernier en appelant la police en plein milieu des festivités, obligeant tout le monde à détaler comme des lapins. Ses amies du collège ne lui parlent plus. Elle-même ne parle plus tellement. Et plus elle nous raconte ses journées, plus on comprend que quelque chose de grave s'est passé.

Au fur et à mesure du récit, Melinda se replie sur elle-même puis décide de sortir de son cocon, elle panse ses blessures et prend peu à peu la parole. Elle tente d'abord d'oublier, d'enterrer ses souvenirs, avant de se laisser contaminer par l'angoisse et tenter de la surmonter. Accompagnée par un prof d'arts plastiques compréhensif, elle apprend doucement à respirer, à survivre puis à vivre. 

C'est un texte sincère, tout en simplicité et en phrases coups de poing. On s'attache vite à Melinda et on comprend son incapacité à parler. On a envie de lui faire des câlins et de l'aider à se réparer. C'est un excellent roman qui parle de guérison, de plaies invisibles, du pouvoir qu'ont les mots et de la difficulté à se faire comprendre par ses pairs. A lire absolument.

"Quand le cœur est rempli, ça déborde par les yeux."

mardi 27 octobre 2015

Susie Morgenstern est sans doute l'une des auteures les plus positives que j'ai lues, et lorsque j'ai acheté Comment tomber amoureux... sans tomber sur le stand de l'Ecole des Loisirs au Salon du Livre Jeunesse de Montreuil l'an dernier, je savais que j'allais passer un bon moment. Jugez plutôt.

Annabelle a décidé que son cœur était hors-service et sous les ordres exclusifs de son cerveau. En terminale S, rien n'existe en dehors de son travail. Et pas question pour elle de se limiter à l'obtention du bac, il faut qu'elle soit la meilleure. Les garçons ? De simples copains. Et ce n'est pas Samuel, le fils de l'ambassadeur des États-Unis parachuté dans sa classe, qui y changera quelque chose. Annabelle est d'accord pour consacrer deux heures par jour à parler français avec lui, à condition qu'il ne la ralentisse pas dans sa course vers l'excellence. Annabelle est ambitieuse et passionnée, comme les autres femmes de la famille. Sa mère, Lulu, est obsédée par ses recherches universitaires. Sa grand-mère, Marguerite, ne lâchera pas ses fourneaux avant d'avoir obtenu la deuxième étoile pour son restaurant. Elles risquent toutes trois de tomber de haut, de très haut. De tomber... amoureuses !

Nous avons donc trois femmes d'une même famille, Annabelle l'ado, Lulu la mère et Marguerite la grand-mère, qui se retrouvent toutes les trois à un moment charnière de leurs vies. Annabelle prépare son bac et désire entrer dans une prépa prestigieuse ; Lulu n'arrive plus à conjuguer son amour de la recherche et l'amour qu'elle porte à son mari, au risque de le perdre ; et Marguerite, veuve, est à deux doigts de sa retraite et refuse de partir sans avoir gagné une étoile de plus pour son restaurant. Et ces trois femmes font la rencontre de trois hommes, Samuel, Sydney et Charles, eux aussi issus de la même famille, de classieux mecs américains habitués des ambassades et qui tutoient Barack Obama (enfin, on ne tutoie pas en anglais mais vous saisissez l'image, hein, z'êtes pas crétins).

Ces rencontres vont changer leurs vies, mais pas dans le sens épique du terme. Non, aller vers l'autre va changer de petites choses dans leurs quotidiens, leur faire comprendre ce qu'il y a de plus important, recadrer leurs vies un peu trop mono-centrées pour en faire des histoires riches et pleines d'amour. 

D'autres personnages ce greffent à ce triple duo : Léonard le mari délaissé, Anatole le frère qui cueille le jour, les grands-parents juifs détruits par la Shoah, les petits vieux que Samuel et Annabelle essaient de sortir de leur solitude, Julie la jolie copine un peu collante, Dounia la jeune fille qui sent bon le miel... Les histoires se croisent et se mêlent dans une sympathique fresque colorée et très humaine qui, si certains la trouveront mièvre, m'a surtout donné l'impression de vouloir sortir le lecteur du marasme morose dans lequel il patauge la plupart du temps.

On sourit, on sent son cœur battre plus vite, on se prend d'amitié pour ces personnages un peu trop bons qui nous poussent à devenir meilleurs. On pardonne la rapidité du récit et l'intensité de sentiments très récents, les retournements de situations un peu romanesques et les happy endings à répétition. Car Susie Morgenstern nous offre un panorama de l'amour, dans sa diversité et sa complexité, pour nous faire comprendre que rien n'a plus d'importance. C'est joli, c'est frais, et on regrette presque d'avaler si vite ces 302 pages.

"Tant de bonheur, ça ne peut pas durer."

mercredi 2 septembre 2015


Il y a des bouquins dont on retarde la lecture pendant des mois, parce qu'on sent qu'on va adorer, qu'il faut le conserver pour un moment magique, une bulle de temps précieuse où on pourra déguster les pages... Et puis en fait, une fois le livre terminé, on se retrouve presque déçu. L'histoire d'une jolie désillusion avec Jonah de Taï-Marc Le Thanh, édité chez Didier Jeunesse.

"Depuis que je te connais Jonah, je sais que tu es un enfant exceptionnel." M. Simon, le directeur de l'orphelinat, ne croit pas si bien dire. Arrivé à l'adolescence, les qualités surnaturelles de Jonah vont susciter l'intérêt d'une mystérieuse société secrète... Quand le jeune garçon disparaît soudainement, Steve, Fillipus, Robert et Alicia décident de s'enfuir pour retrouver leur ami.

Jonah est une aventure étrange et poétique, mélange de road-trip, de course-poursuite à l'américaine et de conte de fées, au style éthéré et poétique, avec des scènes d'action spectaculaire, dans un univers très flou. 

Si l'on se laisse volontiers séduire par les personnages - M.Simon, le directeur de l'orphelinat tendre et mélancolique, Steve, Robert et Fillipus, les trois copains de Jonah attachants, drôles et baroudeurs, ou Alicia, la douce jeune fille muette qui brille par ses sourires - il est difficile de suivre le fil de l'intrigue.

Tout débute avec la naissance de Jonah, un petit garçon orphelin, né sans mains, qui décide dès son premier souffle de refuser le malheur et la tristesse. Sa présence à l'orphelinat est quasiment magique, car le bâtiment qui pourrait être lugubre et glauque est un véritable concentré de rires, de chansons et de bonne humeur. Il s'attire la sympathie de tout le monde par sa curiosité, son intelligence, et par son adresse à vivre sans mains. Mais Jonah a aussi un secret : deux petites voix dans sa tête, autonomes, l'aident, le conseillent et le protègent, et découvrent peu à peu qu'elles existent car Jonah a des pouvoirs particuliers. Après un accident qui le mènera à l'hôpital faire un scanner, le jeune garçon se retrouvera poursuivi par une organisation secrète qui repère les jeunes gens comme lui. Ses amis partent à sa recherche, Jonah s'enfuit, il y a des tas de rebondissements et des surgissements de nouveaux personnages... Et on s'y perd.

Je crois que ce roman divise les gens. D'un côté, ceux qui ont adoré ce ton de conte pour traiter d'une histoire de fantasy contemporaine sur fond d'enquêtes et de sociétés secrètes. De l'autre, ceux qui ont eu du mal à s'y retrouver dans le mélange des genres, et je fais partie de cette seconde moitié de lecteurs. Pourtant, j'avais vraiment envie d'adorer! Mais le charme n'a pas pris.

Certaines scènes d'action sont gratuites et trop longues, les explications à certains événements complètement what-the-fuckesques, Jonah si incroyable et parfait qu'il m'en apparût presque fade, l'univers trop flou et l'aller-retour incessant entre le ton du conte et celui de la course-poursuite de série télé indigeste. 

Mais j'ai aussi adoré les personnages secondaires, l'écriture poétique et pleines d'images qui font gonfler le cœur, le contrepied pris face aux romans pour ados du même genre.

Du coup, j'ai déjà acheté le tome 2, histoire de donner une seconde chance à cette série et peut-être enfin comprendre ce qui a fait de Jonah un petit phénomène dans la littérature jeunesse contemporaine.

Et vous, avez-vous lu Jonah? Qu'en avez-vous pensé? Me conseillez-vous d'autres séries du même genre?

"Prends les insultes qu'on te jette et fabrique-toi des chapeaux avec."

mercredi 5 août 2015

J'ai fait un petit détour en descendant ma pilalire pour l'été en craquant enfin pour ce roman coloré lors de l'un de mes passages dans ma librairie préférée. Des semaines que je voulais enfin comprendre le phénomène Boudins, et ça y est, ma lanterne est éclairée!

Mireille Laplanche est élue Boudin d’Or de son lycée de Bourg-en-Bresse depuis trois ans. Cependant, cette année, elle est seulement Boudin de Bronze. Heureuse déception! Elle rencontre Hakima et Astrid, respectivement Boudin d’Argent et Boudin d’Or, et les trois jeunes filles s’aperçoivent qu’elles ont quelque chose en commun. Quelque chose qu’il faut aller chercher le 14 juillet, à la garden-party du palais de l’Elysée, à Paris…

Pour se simplifier la vie, autant y aller à vélo, en vendant du boudin, avec le grand frère vétéran de guerre d’Hakima, non?

Un road-trip déjanté et comique, 100% made in France, avec de la vraie cuisine du terroir et des colorants naturels.

Alors que dire sur Les petites reines? On se retrouve dans la tête de Mireille, gamine intelligente, fine et drôle, qui joue presque l'affront lorsqu'elle apprend qu'elle n'est que troisième sur le podium des Boudins. Avec ses deux nouvelles copines moches, elles découvrent que le destin ne les a pas réunies tout à fait par hasard, mais qu'elles ont toutes les trois une excellente raison de rejoindre la garden-party de l'Elysée. Et vu qu'elles n'ont pas le permis mais une inventivité débordante, elles décident d'y aller en vélo, et de financer leur trajet grâce à de la vente de boudins.

Elles ne sont pas seules, un adulte majeur et responsable veille sur elle: Kader, le grand frère d'Hakima, surnommé "le Soleil" par la romantique Mireille qui sent son cœur s'emballer quand elle le voit faire tourner les grandes roues de son fauteuil roulant.

Trois Boudins et un mec sans jambes s'élancent donc de Bourg-en-Bresse vers Paris, remorquant un stand de vente de boudins ambulant, non sans avoir prévenu la presse locale de leur épopée aussitôt relayée sur Twitter et autres joyeusetés sociales. Cette situation complètement déjantée prend forme tout naturellement au fur et à mesure d'une lecture pétillante et rafraîchissante. Car Mireille n'a pas la langue dans sa poche, elle a un sacré caractère, et chaque page est propice à un déferlement d'adjectifs improbables, de métaphores saugrenues ou de mots d'esprit décalés.

On se MARRE, ça fait un bien fou! Et c'est loin d'être de l'humour gratuit, car c'est un humour qui dénonce, en vrac : la dictature des médias, l'image de la femme-objet, la folie du buzz... Mais qui parle aussi de valeurs profondes sans jamais verser dans le larmoyant, comme la solidarité, la confiance, le dépassement de soi, le besoin de devenir qui l'on veut être et pas qui l'on nous dit d'être. 

Et même si l'héroïne est clairement issue de la couche supérieure des classes moyennes, le ton parfois un peu bobo du roman ne fait que lui ajouter de l'authenticité. Et puis, il y a Hakima et Kader, qui vivent dans la cité de Bourg-en-Bresse, et Astrid, qui vit avec une maman artiste un peu baba cool, donc il y en a vraiment pour tous les goûts. Les quelques petits clichés sociaux qu'on retrouver parci, parlà permettent de s'y retrouver face à tous ces autres clichés sur lesquels Clémentine Beauvais tire à bout portant (les grosses sont des feignasses, les gens sont méchants, on peut rien faire face aux institutions, ceux qui sont tout en haut sont inatteignables...).

Je déplore juste que le nombre de références à notre époque hyper-contemporaine (Facebook, Twitter, Tinder, la folie du #hashtag) puisse très vite faire de cet excellent roman un ringard qui dans cinq, dix ans parlera d'un monde qui n'existe plus. Parce qu'il y a tout, dans Les petites reines, pour faire de ce texte quelque chose d'incontournable à lire toutes générations confondues.

Oui bon, je ne suis peut-être pas très objective pour parler de Les petites reines, c'est ptête l'intello grossémoche que j'étais au lycée qui parle pour moi, car j'aurais aimé lire le roman de Clémentine Beauvais, qui met en scène des filles comme moi qui se battent contre les préjugés, plutôt que les romans mettant en scène des filles comme moi "finissant par s'en sortir" (=par maigrir) que je lisais à l'époque.

Une bouffée d'air frais qui sent bon le boudin grillé, que je vous conseille de lire tant qu'il fait beau, si possible au bord d'une piscine ou après une chouette randonnée! Il se dévore d'un coup et vous laisse un agréable goût de bonheur. A vous procurer immédiatement!

Petit bonus, le blog de Clémentine Beauvais est également un véritable puits d'humour et d'intelligence, jetez-y un oeil!

Vous pouvez aussi lire ce qu'en pensent Bob et Jean-Michel et ma copine Camille!

"Rendre compte de la chance qui arrive."

lundi 23 mars 2015

L'été de mes nuits blanches de Pauline Penot
Editions Thierry Magnier


Présentation : Gaël traîne son mal être et sa culpabilité comme un fardeau. Sa sœur aînée, Alix, a toujours mieux fait que lui (pense-t-il) : brillante élève entourée d’une cohorte de copains/copines, noctambule avertie, elle a le sens du rire et de la joie, tandis que lui, Gaël, pleurniche sur son sort. Au lieu du périple en Australie dont il rêvait, le voici saisonnier au château de Blois dont sa belle-mère est conservatrice. Géniales les vacances en perspective.
Contre toute attente, il va réaliser que les vacances à Blois vont être bien plus exaltantes qu’il ne l’aurait pensé.
Petit roman qui passe inaperçu sur les étagères des librairies, L'été de mes nuits blanches est pourtant une très belle découverte. Il y est question de mal-être adolescent, de dépression, d'accidents de la vie, de vacances d'été ennuyeuses et de rencontres salvatrices.

Gaël se retrouve à passer l'été à Blois, chez son père, histoire de travailler un peu pour s'offrir un scooter. Car il semble qu'il n'y a que quand il est en scooter, avec son beau-frère, qu'il retrouve un peu goût à la vie. Cet ado au bout du rouleau, croulant sous le poids de ses propres attentes, est d'abord complètement pitoyable et presque antipathique pour, peu à peu, devenir maladroit, attendrissant et un peu bête. A Blois, c'est malgré lui que la vie se met à le chatouiller. Au milieu de ses insomnies chroniques et de ses angoisses, c'est en apprenant à découvrir sa belle-mère, en visitant les vieilles pierres, en lisant les poèmes de François Villon et en laissant son cœur battre pour une jolie fille qu'il réussira à trouver le chemin d'une vie plus douce, moins amère.

La plume de l'auteur, surtout, est d'une délicatesse exquise. Pauline Penot rend compte du mal-être de Gaël avec beaucoup de crédibilité. La façon dont le passé, à Blois, se mêle au présent est très agréable sans être trop documentaire. On en dit juste assez sur l'histoire de Blois et du poète escrot pour avoir envie d'en savoir plus, sans nous noyer dans les faits historiques. Penot malmène son héros pour mieux le sauver, et c'est avec de très belles phrases et de jolies tournures qu'elle nous mène, nous, vers une jolie fin ensoleillée.

J'ai énormément apprécié ce court roman des éditions Thierry Magnier, qui après La vie de [...] Lara Schmitt, ne cessent de me faire des clins d’œil et m'appellent à lire plus de leurs titres. Et vous, avez-vous des titres de ces éditions à me conseiller?

"Tu te fous de moi, tu me manques constamment."

jeudi 5 février 2015

Eleanor & Park, de Rainbow Rowell

Présentation:1986. Lorsque Eleanor, nouvelle au lycée, trop rousse, trop ronde, s'installe à côté de lui dans le bus scolaire, Park, garçon solitaire et secret, l'ignore poliment. Pourtant, peu à peu, les deux lycéens se rapprochent, liés par leur amour des comics et des Smiths... Et qu'importe si tout le monde au lycée harcèle Eleanor et si sa vie chez elle est un véritable enfer, Park est prêt à tout pour la sortir de là.
Je n'attendais absolument rien d'un roman écrit par une fille qui s'appelle "Arc-en-ciel". Mais vraiment. Je me suis longtemps contentée d'observer les demoiselles qui me le réclamaient en librairie, et puis un soir, je me suis dit que j'allais le lire, histoire d'en avoir le cœur net. Jolie petite surprise!

Tout d'abord, ce bouquin se lit tout seul. On a à peine le temps de lire quelques pages que pouf! on découvre qu'on est déjà à la moitié du bouquin. Cela est dû au style de Rowell qui est très concis, qui va à l'essentiel, et qui arrive par je-ne-sais quel prodige à nous remettre dans nos baskets de lycéen(ne) mal dans sa peau, passionné(e), en quête de liberté. On se reconnaît malgré soi dans les portraits de Park et d'Eleanor, dans leur idylle maladroite et leurs sentiments trop forts pour qu'ils puissent les analyser convenablement. On pose aussi un regard attendri et compréhensif sur leurs déclarations trop passionnées, trop sincères et trop fortes pour leurs petits cœurs qui apprennent à maîtriser l'amour. Eleanor et Park sont deux ados fragiles et rêveurs à qui l'on veut faire des câlins, on veut leur dire qu'il faut à tout prix conserver cette naïveté et cette franchise malgré ce qu'on peut dire ou ce que l'on peut devenir...

Rowell, traîtresse. Aller chercher l'ado de 15 ans qui sommeille en nous, c'est vicieux. Parce que, quand c'est bien fait, ça marche.

De plus, l'action se passe dans les années 80, à l'époque où pour se parler, on devait attendre le lundi, oser passer un coup de téléphone sur le combiné familial ou s'écrire des lettres. Le succès de ce roman tient sans doute également à ce petit ton vintage, célébrant l'attente et les silences dans les histoires d'amour balbutiantes, à l'heure où l'amour va plus vite grâce aux textos et à Facebook.

Ce roman traite également des conflits familiaux, qu'il s'agisse de simples malentendus qui pourrissent avec le temps (entre Park l'androgyne et son père super viril) ou de vrais grands problèmes qu'on ne peut régler qu'avec l'aide des services sociaux (le beau-père d'Eleanor, alcoolique, violent et pervers, et sa mère tentant de joindre les deux bouts pour une famille de cinq enfants). La toile complexe des relations entre les gens est subtile, bien ficelée et surtout crédible. Bravo.

Ce que je reproche juste à ce roman, mis à part un dénouement horrible pour le lecteur qui le laisse sur sa faim, c'est parfois la grandiloquence des sentiments que partagent Eleanor et Park, chacun usant de l'autre comme d'une bouée de sauvetage. J'ai trouvé cela parfois un chouilla exagéré, à la limite du crédible, mais ça finissait toujours par passer au bout de quelques paragraphes. Peut-être que le côté exalté des sentiments entre les deux jeunes gens est indissociable de leur soif de vivre? J'ai également souvent trouvé que Park était trop bien pour être vrai, mais bon, je suis peut-être juste méchante avec la gent masculine!

En résumé, une très chouette découverte qui donne envie de découvrir la musique punk rock des années 80 et qui replonge en adolescence. Un roman qui nous permet de nous tourner vers la personne que nous étions à 15 ans et de lui faire un énorme câlin pour lui dire que tout finira par aller mieux.

Aaaah la vicieuse. Arc-en-ciel, je ne te pardonnerai pas.
 
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