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"Observe. Décris. Note. Analyse."

mercredi 26 juillet 2017

Je vous avais parlé de mon gros coup de cœur il y a trois ans maintenant dans cet article, et plus récemment dans cette vidéo, pour le roman Calpurnia de Jacqueline Kelly. J'ai vu, en 2015, qu'une suite était sortie aux Etats-Unis, et je croisais les doigts pour que l'école des loisirs le publie en France. Mon vœu a été exaucé, et je me suis replongée avec délice dans les aventures de cette jeune Texane du début du vingtième siècle, dans Calpurnia et Travis.

Le monde Calpurnia Tate ne dépasse pas les limites du comté de Caldwell. Mais, pour qui sait regarder avec étonnement et curiosité, il y a là mille choses à découvrir.

Son frère Travis rapporte à la maison un tatou, des geais bleus et un coyote - toutes sortes d'animaux sauvages qu'il veut apprivoiser en cachette. Et son grand-père initie Calpurnia aux mystères des sciences naturelles.

Un jour, un terrible ouragan ravage la côte du Texas, faisant de nombreux ans-abri. La famille de Calpurnia accueille sa cousine Aggie, et, surtout, un vétérinaire vient s'installer près de chez eux. Pour Calpurnia, c'est l'occasion rêvée de donner enfin corps à ses ambitions...

Mais on est en 1900, et il est parfois plus simple de changer de siècle que de mentalités.

S'il s'est fait attendre, ce roman est la suite directe des aventures du premier tome, où Calpurnia, alors âgée de 11 ans, se découvrait une passion pour les sciences naturelles, encouragée par son grand-père. Calpurnia a deux ans de plus et sa curiosité pour le monde qui l'entoure ne fait que grandir avec elle. Elle en veut plus toujours plus, et mène des expériences sous l’œil bienveillant de son grand-père passionnant. Ensemble, ils construisent un astrolabe, un baromètre, et mènent les premières dissections de la petite fille. Intriguée par le vivant et les phénomènes naturels, la jeune fille se révèle dotée d'un estomac solide, et elle s'extasie sur les petits organes des lombrics autant que devant la coïncidence qui a voulu qu'une étoile soit placée juste au-dessus du Pôle Nord. Son cadet, Travis, qui s'attache à tout un tas de bestioles, l'aidera dans son exploration du vivant et lui permettra de différencier l'attachement que l'on peut avoir pour un animal à l'intérêt scientifique qu'on peut lui porter. L'évolution des deux jeunes gens, parallèle et complémentaire, permet un joli renouvellement dans la narration.

Dans ce tome-ci, Calpurnia va également apprendre à cohabiter avec sa cousine Aggie, de quatre ans son aînée. La confrontation avec cette jeune fille qu'un ouragan a dépossédée de tous ses biens va remuer des non-dits dans la famille Tate ; Calpurnia va découvrir qu'aux yeux de ses parents, de ses frères, et de la société toute entière, elle est un humain de seconde zone, car elle est une fille. Moins d'argent de poche, peu de rêves accessibles et aucun avenir prestigieux en vue, l'amertume de l'adolescence ouvre les yeux de la jeune fille qui commence à se battre contre cette injustice. Son caractère se développe également, et l'on assiste avec fierté à l'éclosion d'une jeune femme combative, courageuse, audacieuse et pleine de répartie, ce qui ravit son aïeul et terrifie ses parents. Il n'y a qu'une façon dont Calpurnia pourra vivre la vie qu'elle souhaite: en la gagnant, en se battant, et au terme de ce second tome, on l'a très bien compris.

J'ai eu un peu de mal à rentrer dans le récit, je ne sais pas si le changement de traducteur a changé quelque chose dans le ton du texte, mais au bout de trente pages j'avais retrouvé la grande maison perdue au bord de la rivière, les criquets, les lucioles, la chaleur et la famille nombreuse pleine de claquements de portes et de rebondissements. Ce roman est véritablement dans la lignée du premier, et se déguste avec la même lenteur paresseuse, nous ouvrant les yeux sur les petits miracles de la nature et nous poussant à regarder de plus près le monde qui nous entoure. 

Une suite à la hauteur, que je vous recommande chaudement. Plus qu'à croiser les doigts pour un troisième tome...!


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“I feel as if I’m waiting for something dreadful to happen, and then I realize it already has.”

jeudi 16 mars 2017

Lors de mon séjour à Édimbourg l'an dernier, j'étais revenue avec une sacrée pile de livres, que je m'attelle doucement à faire descendre. Et parmi ces ouvrages se trouvait le superbe Life after life de Kate Atkinson, paru ici chez Black Swan mais disponible en français sous le titre Une vie après l'autre d'abord chez Grasset puis au Livre de poche.

11 février 1910 : Ursula Todd naît – et meurt aussitôt.
11 février 1910 : Ursula Todd naît – et meurt, quelques minutes plus tard, le cordon ombilical enroulé autour du cou.
11 février 1910 : Ursula Todd naît – le cordon ombilical menace de l’étouffer, mais cette fois le médecin est là pour le couper, et Ursula survit…
Ursula naîtra et mourra de nombreuses fois encore – à cinq ans, noyée ; à douze ans dans un accident domestique ; ou encore à vingt ans, dans un café de Munich, juste après avoir tiré sur Adolf Hitler et changé ainsi, peut-être, la face du monde…
Établis dans un manoir bucolique du nom de Fox Corner, les Todd portent sur leur environnement le regard distancié, ironique et magnanime de ceux que les tragédies de l’Histoire épargnent. Hugh, le père, travaille à la City, tandis que Sylvie, la mère, reste à la maison et élève ses enfants à l’ancienne. Mais le temps, en la personne d’Ursula, va bientôt se détraquer, se décomposer en une myriade de destins possibles qui vont, chacun à sa manière, bouleverser celui de la famille…
Si l’on avait la possibilité de changer le cours de l’histoire, souhaiterions-nous vraiment le faire ?

Nous voilà face à un texte qui reprend le concept du "et si?" en le transposant au début du vingtième siècle dans une famille bourgeoise britannique. Ursula, le personnage que nous suivons au cours de ses innombrables vies, est une petite fille et une jeune femme brillante, un peu perdue dans les destins qui s'ouvrent à elle, et qui subit régulièrement l'assaut de déjà-vus si vivaces qu'on dirait des souvenirs.

Au fil des pages, des années et des différentes vies, on la suivra de sa chambre d'enfant jusqu'aux montagnes bavaroises, en passant par les décombres d'un Londres bombardé, une maison triste aux abords d'une école, des cafés chics et des trains brinquebalants. Kate Atkinson profite de son personnage aux mille vies pour nous dresser un portrait complet de la Grande-Bretagne et plus largement de l'Europe de la première moitié du vingtième siècle ; la montée des nationalismes, l'évolution des mœurs, les progrès technologiques, l'envie et la peur de tendre la main vers l'autre, les langues qui sont des barrières et des ponts, les amitiés et les amours qui sont toujours complexes et imparfaites...

L'auteur explique dans une postface enrichissante qu'elle a voulu faire un roman pour essayer de définir la britishness, sur les qualités, les défauts et les petites étrangetés qui font de la nation britannique ce qu'elle est, et j'ai personnellement trouvé que c'était très réussi. On y trouve l'humour pince-sans-rire, les rituels autour du thé, le flegme et la noblesse, la retenue qui dissimule la fragilité, le petit cheminot et le grand ministériel, les petites mains et les gros bonnets... Si vous êtes attirés par la culture britannique, je vous en prie, foncez, c'est un délice!

Le petit twist auquel je ne m'attendais pas et qui m'a beaucoup plu, c'est que l'on évoque à peine l'étrangeté de la condition d'Ursula. A-t-elle un pouvoir particulier qui lui permet de recommencer sa vie chaque fois qu'elle se termine? Ou bien est-ce le cas de tout le monde? Y a-t-il une explication surnaturelle ou plutôt philosophique? On ne vous donne pas la réponse, et l'on vous pose plutôt une question... Et vous, qu'auriez-vous fait différemment? Que pouvez-vous encore changer? La vie que vous vivez est-elle la meilleure qu'il vous était possible d'avoir?

Un très beau roman, dense et riche, que je vous conseille fortement si les sujets cités plus haut vous intéresse. Et en plus, c'est une très joli saga familiale, pour les amateurs du genre! Alors, qu'attendez-vous?


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"Tout le bien que nous faisons peut se retourner contre nous."

mercredi 19 octobre 2016


Dorothe, fille de bonne famille, vient d'avoir seize ans. Elle est mariée à un homme bien plus âgé qu'elle. Son époux est nommé dans le comté du Finnmark, tout au nord de la Norvège, pour instruire les procès en sorcellerie. Après une longue et éprouvante traversée, Dorothe arrive dans une petite ville où personne ne parle sa langue.

Elen a le même âge, fille d'une guérisseuse qui a choisi de vivre sans homme et enchaîne les aventures et les enfants. La jeune fille sauvera Dorothe gravement malade, grâce au savoir que sa mère lui a transmis avant d'être emprisonnée. Mais ne signe-t-elle pas ainsi son appartenance à la confrérie des sorcières?


De la part du diable de Aina Basso est un roman paru en 2015 chez Thierry Magnier, et le moins que l'on puisse dire, c'est que ça faisait des mois qu'il me faisait de l’œil (la couverture de Nicolas Galkowski est sublime!). Je l'ai lu d'une traite, j'en suis restée toute chamboulée, et je profite de l'ambiance Halloweenesque pour vous parler de cette histoire de sorcières.

Si la quatrième de couverture (que vous pouvez lire ci-dessus) vous résume malheureusement la quasi-totalité du récit, ce qui fait la force de ce roman, en revanche, c'est l'ambiance envoûtante, fantastique et terriblement ancrée dans le réel dans laquelle il vous fait plonger. Nous alternons les points de vue entre Dorothe, (très) jeune mariée à un juge chargé d'instruire les procès pour sorcellerie dans la Norvège du dix-septième siècle, et Elen, qui grandit comme une fleur sauvage dans une contrée difficile et hostile, élevée par une mère différente des autres, libre et caractérielle.

Chacune des deux héroïnes voit sa vie changer lors de l'arrivée d'un homme dans leurs vies : Dorothe se retrouve mariée à un homme bien plus âgé qu'elle qu'elle trouve sobre et très grave, tandis qu'Elen se voit affublée d'un petit frère terriblement laid, si laid qu'elle est persuadée qu'il a été échangé à la naissance avec une créature démoniaque. S'ensuivent alors une série d'événements qui vont les faire se rencontrer en dépit de tout ce qui les sépare. Et c'est haletant : on se surprend à tourner les pages sans pouvoir s'arrêter, pris au piège d'une écriture grave, dure et mystérieuse, tandis que l'angoisse gonfle dans la gorge en même temps que les nœuds du récit se tissent jusqu'à une fin terrible qui finit de vous ensorceler tout à fait. 

Grâce aux regards croisés de ses deux héroïnes, l'auteure s'interroge sur la condition féminine, la liberté, la différence, l'ignorance qui mène à l'intolérance, le mystique et le sacré. On finit par se demander si la plus puissante forme de sortilège n'est pas uniquement la rumeur publique, accompagnée des puissantes malédictions que sont les préjugés et le besoin de trouver des boucs émissaires. Et en cela, De la part du diable est non seulement un roman inspiré de faits réels, mais c'est également un récit qui trouve de terribles résonances avec l'actualité.

On appréciera les notes et explications supplémentaires données en fin de roman par l'auteure, ainsi qu'une bibliographie complète pour en apprendre plus sur ces événements. Un très bon roman d'angoisse et de fantastique teinté d'histoire que je vous recommande pour vos soirées de Samain!


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