Quand on a annoncé que J.K.Rowling allait publier un nouveau livre, j'ai un peu paniqué. Etant une immensément grande fan d'Harry Potter, j'avais, en gros, un peu peur de ce que j'allais découvrir en lisant Une place à prendre : allais-je découvrir qu'Harry Potter était un coup de chance et que le reste de l'oeuvre de Rowling allait être une belle bouse? La peur me taraudait. A Noël 2012, donc, évidemment, voilà ce qui s'est passé:
The Casual Vacancy (Une place à prendre)
J.K.Rowling, 2013
Lu chez Little, Brown.
Résumé trouvé sur Livraddict:
Bienvenue à Pagford, petite bourgade anglaise paisible et charmante : ses maisons cossues, son ancienne abbaye, sa place de marché pittoresque… et son lourd fardeau de secrets. Car derrière cette façade idyllique, Pagford est en proie aux tourmentes les plus violentes, et les conflits font rage sur tous les fronts, à la faveur de la mort soudaine de son plus éminent notable.Entre nantis et pauvres, enfants et parents, maris et femmes, ce sont des années de rancunes, de rancœurs, de haines et de mensonges, jusqu’alors soigneusement dissimulés, qui vont éclater au grand jour et, à l’occasion d’une élection municipale en apparence anodine, faire basculer Pagford dans la tragédie.
L'intrigue a pour point central un siège au conseil municipal, laissé vide par la mort prématuré de Barry Fairweather, qui œuvrait pour l'insertion des adolescents mal lotis du quartier "ZEP" du coin dans la société. Autour de ce siège gravitent plusieurs personnes aux motifs et aux buts très différents. Il y a des vieux, des jeunes, des gens carriéristes et des paumés.
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle est loin, l'époque des Wingardium Leviosa et des adolescents aux pouvoirs magiques aux prises avec une prophétie qui les dépasse. Nous sommes plongés au coeur d'une bourgade anglaise contemporaine avec tout ce qu'elle a d'hypocrite, de malsain et surtout, de réaliste. On retrouve des thèmes chers à Rowling qu'elle avait déjà traités dans Harry Potter : l'école comme lieu d'espoir et de rédemption (grâce à certains bons professeurs), l'injustice d'une société où les différences de classes sont toujours présentes, les préjugés qu'il faut combattre même s'ils sont ancrés profondément dans l'esprit collectif, la complexité des relations humaines et la menace de la mort qui peut arriver à tout moment et qui doit être une raison de faire de sa vie quelque chose de bien. Chaque personnage brossé par Rowling a une personnalité que l'on peut rapidement cerner - on retrouve, d'ailleurs, son talent pour décrire en quelques phrases des personnages ou des lieux parfois complexes. Le point de vue voyage d'un personnage à l'autre, jusqu'à ce que le lecteur ait fait le tour des points stratégiques de l'intrigue pour comprendre la complexité de la toile.
The Casual Vacancy est construit comme une série télévisée, par épisodes, les pièces du puzzle n'apparaissant qu'au fur et à mesure des événements pour ne commencer à former une image compréhensible qu'au bout d'un moment. Ça tombe bien, un projet d'adaptation pour la télévision est en marche pour la BBC. Je soupçonne cependant les éditeurs d'avoir été très souples avec Rowling sur l'épaisseur de son roman. Il aurait pu gagner à être un peu plus court et légèrement plus concis sur certains points de l'intrigue. Un peu comme si le nom de "Rowling" écrit blanc sur rouge sur la couverture allait suffire à susciter les achats compulsifs. Bingo pour eux : ce fut le cas. Je connais des cas aberrants de fans d'Harry Potter qui l'ont acheté sans avoir le projet de le lire, uniquement pour compléter leur collection. C'est le genre de débordements un peu bêtes que je regrette et auxquels je m'attendais: la popularité d'Harry Potter a fait de Rowling une auteure dont on va sans cesse mettre le talent en question, car sa fanbase est si grande, le pouvoir économique et médiatique de son nom est si important, qu'on sait que chacun de ses romans va être un immense succès de librairie sans savoir si le roman vaut oui ou non la peine d'être lu.
Pour The Casual Vacancy, ma réponse est oui. Certes, le début de la lecture est difficile : le style de Rowling a beau conserver sa clarté et son piquant, on met du temps à comprendre où elle veut en venir. Ce n'est qu'une fois avoir fait le tour de tout le monde (et donc être arrivés à la moitié de l'énorme pavé) qu'on peut commencer à s'intriguer et à vouloir connaître la suite des événements. L'univers, une critique de mœurs acerbe et sans concession, n'a quasiment rien à voir avec la fantasy urbaine d'Harry Potter : il ne faut s'attaquer à The Casual Vacancy que si l'on a aimé lire, par exemple, Zola ou Dickens. C'est mon cas, j'y ai pris du plaisir. Les 200 dernières pages, notamment, m'ont quasiment tenue en haleine, et la fin, inattendue et pourtant logique dans l'équilibre du roman, m'a faite cogiter pendant plusieurs jours. Il y a une véritable dénonciation de l'hypocrisie des bien-pensants et la critique amère d'une société qui parle d'égalité en laissant les plus mal barrés s'enfoncer dans des miasmes de dettes et d'horreurs.
Je ne peux que vous conseiller de vous faire votre propre avis, en n'abordant la lecture de ce roman qu'à condition que ce genre de récits vous intéresse. Il s'agit pour moi d'un virage à 180° dans la carrière de Rowling, qui a voulu montrer, avec The Casual Vacancy, qu'elle avait un talent indéniable de conteuse, un style unique, et des convictions qui lui sont chères. On pardonnera la longueur du roman et surtout la lenteur de l'incipit : premier roman sensiblement adulte de l'auteur, il est pour moi un classic-to-be de la littérature contemporaine.
Nous avons appris cette année qu'un roman policier au succès respectable publié sous le nom de Robert Galbraith avait en réalité été l'oeuvre de Rowling qui s'essaie, dans The Cuckoo's Calling, au policier. L'avez-vous lu? Le conseillez-vous? Je ne suis qu'une piètre amatrice de romans policiers, mais connaissant le talent de Rowling pour les enquêtes, les mystères et les intrigues, je me tâte à le lire. J'aimerais beaucoup avoir vos avis sur Une place à prendre et L'appel du coucou et savoir si vous êtes d'accord avec moi pour dire que Rowling demeure une grande auteure et qu'elle n'a plus à prouver qu'elle a sa place dans le monde littéraire d'aujourd'hui.