Pourquoi (et comment) soutenir sa médiathèque?

mercredi 3 septembre 2025

Il y a quelques temps, on m’a interrogée sur mon parcours de lectrice (pour une opportunité incroyable, je vous en reparle bientôt), et j’ai pris conscience de quelque chose.

Mon amour des livres, je le dois aux endroits où l’on peut emprunter des livres.

Histoire de la petite Jeanne qui cherche partout où sont les livres gratuits

Je ne dis pas qu’on ne m’offrait jamais de bouquins, mais l’immense majorité de tout ce que j’ai lu jusqu’à l’âge adulte, je l’ai emprunté dans un CDI, une bibliothèque d’école, ou une médiathèque. Il y avait des livres à la maison, et on m’en a lu quand j’étais petite, mais dans une famille avec 3 enfants et deux salaires corrects mais pas mirobolants, acheter des livres était un luxe. Je mettais des livres sur mes listes pour le Père Noël, pour mon anniversaire, je traînais dans les rayons livres des supermarchés quand nous allions faire les courses, mais nous ne fréquentions pas les librairies indépendantes de notre ville, et quasiment pas les grandes surfaces culturelles.

Par contre, en maternelle et en primaire, la visite hebdomadaire dans la petite BCD de mon école était le temps fort de ma semaine. Je me souviens demander très souvent aux assistantes pédagogiques qui s’en occupaient combien de livres je pouvais emprunter à chaque fois, et je savais que la réponse était “Un seul, Jeanne, je te l’ai déjà dit”. J’avais toujours un “livre de la BCD” dans mon sac. A l’arrivée au collège, le CDI est devenu un refuge pour l’intello grosse harcelée que j’étais, et là, je pouvais en emprunter plusieurs à la fois. Jusqu’en terminale, les CDI ont fait office à la fois de cocon, de fenêtre et de source inépuisable de lectures dans ma vie.

Moi et tous les cool kids du Collège Boileau

Aujourd’hui, cependant, j’aimerais parler de mon rapport aux médiathèques et la façon dont j’ai recommencé à m’y rendre régulièrement cette année.

Parce qu’en plus des bibliothèques présentes dans les établissements scolaires que j’ai fréquentés, nous allions à la médiathèque municipale. En primaire, je me rappelle très bien le jour où avec mon père, nous sommes allés me faire ma première carte de bibliothèque. Il me semble qu’avant le collège, nous y allions régulièrement avec l’un de mes parents et mes soeurs, peut-être une à deux fois par trimestre, pour faire le plein de livres. Bien sûr, nous étions toujours en retard pour les rendre. Et puis au collège, j’ai commencé à aller seule dans ma bibliothèque de quartier, et je revenais chez moi le sac à dos plein à craquer. Vingt documents empruntables en une fois. Vingt.

Vidéo souvenir de moi à 12 ans remplissant mon faux Eastpak de romans.

Ensuite, les études de lettres et la fréquentation des bibliothèques universitaires m’ont éloignée des médiathèques. J’ai fini libraire, c’est à dire vendeuse en magasin de livres, et le flux constant de nouveautés a suffi à assouvir ma soif de lectures (pour créer une pile à lire si gigantesque que c’est devenu mon pseudo sur l’Internet, donc autant dire que je ne manquerai plus de livres jusqu’à la fin de ma vie).

Mon retour en médiathèque - ou comment retrouver le plaisir de flâner

J’ai la chance d’avoir dans mon entourage amical et professionnel des médiathécaires, mais aussi des gens qui fréquentent leurs médiathèques. Cela fait quelques années que je les écoute me raconter les conférences qu’elles organisent, des découvertes qu’elles y font, des moments qu’elles y passent à travailler ou prendre un café.

Depuis quelques temps je cherchais dans Roubaix un endroit aussi chouette que la librairie-salon de thé où je travaille pour aller bosser sur ce blog ou sur d’autres projets quand je raccroche ma casquette de libraire. Le fait est qu’à une distance raisonnable de mon domicile, à part mon lieu de travail, je n’avais pas beaucoup d’options, et qui a envie d’aller sur son lieu de travail lorsqu’iel ne travaille pas? Pas moi.

Et puis je me suis souvenue de notre médiathèque, baptisée La Grand Plage, que je n’ai pas beaucoup fréquentée depuis que je vis à Roubaix. Depuis le printemps, je vais de temps en temps m’y poser avec mon ordinateur pour écrire, répondre à mes mails, avancer dans des projets.

Bien sûr, je m’y promène aussi. Sur les 4 niveaux accessibles au public, je redécouvre un plaisir que j’ai perdu depuis que je suis libraire : celui de flâner parmi les rayonnages, et se laisser surprendre par un titre, un dos de couverture, une sélection. De ne plus être à guetter les nouveautés et à se dépêcher de finir tel livre avant qu’il sorte pour pouvoir le conseiller à des clients, mais de seulement se laisser porter par son instinct et ses envies du moment, soudaines et inattendues.

Vidéo souvenir de moi la semaine dernière remplissant mon tote bag Combo de DVD.

Depuis, j’y passe deux fois par mois, et je m’éclate. Je lis des choses dont je n’ai jamais entendu parler, je regarde plus de films, je me remets même au piano grâce au super rayon partitions.

J’aimerais vous encourager, si vous les avez un peu laissées tomber, à retourner fréquenter vos médiathèques. Il y a plein de bonnes raisons de le faire.

Pourquoi fréquenter sa médiathèque?

  • C’est gratuit. Je répète pour celleux dans le fond : ça ne coûte rien. Parfois, il faut s’acquitter d’un petit montant pour avoir le droit d’emprunter certains documents - à Roubaix, pour pouvoir emprunter autre chose que des livres, c’est le cas, mais ça ne coûte que 17€ pour toute l’année. AUCUN autre abonnement que vous avez actuellement ne peut vous permettre d’accéder à des milliers de livres, CDs, DVDs, revues et même parfois des jeux vidéos, des jeux de société, des outils, des instruments de musique, des déguisements… pour RIEN.
  • C’est accessible à toustes. Peu importe vos revenus, votre statut, la langue que vous parlez, votre âge, votre genre, vous avez toustes le droit d’aller à la médiathèque et d’y passer un chouette moment.
  • Vous sortez des algorithmes. A l’heure où la culture se consomme en “bulles”, où on a l’impression de regarder les mêmes séries ou de lire les mêmes livres que tout le monde, aller à la médiathèque et vous laisser surprendre dans un rayon où vous flânez par un titre dont vous n’avez jamais entendu parler, ça rafraîchit l’esprit et titille la curiosité!
  • Il s’y passe des choses. GRATUITES elles aussi. Des ateliers, des conférences, des moments ludiques, des lectures, des spectacles, des rencontres, des clubs de lecture/de tricot/de mécanique/d’écologie/(…), des expositions, des cours de langues ou d’informatique… La liste est infinie! De quoi sortir de sa routine, rencontrer des gens ou apprendre quelque chose!
  • C’est un troisième lieu. Un lieu qui n’est ni la maison, ni le lieu de travail, où l’on peut rencontrer des gens, s’instruire, se reposer, se créer des habitudes. Comme le café dans Friends, vous voyez? D’ailleurs, pas mal de médiathèques, quand elles le peuvent, ont un véritable petit café ou salon de thé dans leurs locaux!
  • Je le répète hein mais quand même, dans ce monde capitaliste aux fortes tendance fascisantes c’est fifou : C’EST GRATUIT!

Comment soutenir ma médiathèque?

Sachez qu’une bibliothèque ou une médiathèque, ce n’est pas un service obligatoire de votre mairie. Tout comme un musée ou une patinoire, si personne ne la fréquente et qu’elle finit par coûter trop d’argent, elle peut fermer. À l’heure où le service public se fait étrangler de tous les côtés, les médiathèques peuvent finir en première ligne des sacrifices faits à la gloire de la rentabilité. Il n’y a qu’à voir ce qui se passe aux Etats-Unis pour se rendre compte que ces espaces accessibles, gratuits, où l’on peut faire communauté ne plaisent pas à nos ennemis fachos-capitalistes-milliardaires-patriarcaux. Alors voici quelques petites actions que vous pouvez faire pour aider votre médiathèque locale:

  • Créez votre carte de médiathèque. Même si vous n’y allez que deux fois par an. Même si vous n’y allez pas. Le nombre de personnes inscrites à la médiathèque permet de sortir des statistiques de “rentabilité” du lieu, et donc de justifier son existence. Et n’oubliez pas de la renouveler tous les ans. Ça prend 5 minutes et il ne faut amener qu’une pièce d’identité et un justificatif de domicile.
  • Utilisez votre carte de médiathèque. En tant que libraire j’y emprunte peu de livres, mais je dévore facile une dizaine de films par mois. Il n’y a pas d’enjeu. Même si vous empruntez trop, et que vous n’avez pas le temps de tout lire, ce n’est pas grave! Voyez ça comme du shopping gratuit! C’est quand même incroyable!
  • Intéressez-vous à la programmation de votre médiathèque. Prenez le programme ou consultez-le en ligne, et n’hésitez pas à relayer autour de vous les événements que votre cercle de proches pourrait apprécier. Si vous travaillez dans un endroit où vous accueillez du public (un commerce, un cabinet avec une salle d’attente…), demandez quelques flyers ou affiches à la médiathèque et affichez-les. Participez activement à faire connaître votre médiathèque locale comme bien plus qu’un endroit où empunter des livres.
  • Utilisez les espaces de votre médiathèque. Allez-y pour répondre à vos mails, pour réviser vos examens, pour faire votre to-do list du mois, pour dessiner, pour rédiger vos cartes de voeux, pour écrire votre roman, pour mettre à jour votre journal intime. Occupez les espaces mis à disposition, pour justifier de leur existence mais aussi pour inciter d’autres à le faire.
  • Soyez bénévole dans votre médiathèque. Si vous disposez de temps et que vous en avez les capacités, proposez quelques heures par mois à soutenir votre médiathèque locale. Il y a des réseaux entiers de bibliothèques qui fonctionnent grâce aux bénévoles, et plus vous êtes nombreux·ses, plus ça peut fonctionner!
  • Soutenez publiquement votre médiathèque, parlez-en à vos élu·e·s quand vous les croisez, laissez des avis sur google, commentez leurs posts sur les réseaux sociaux… Plus on voit nos proches s’enthousiasmer pour un endroit, plus on a envie d’y aller!

On a trop peu d’espaces où l’on peut aller, s’installer, discuter, se former, lire, jouer à la console, échanger, discuter… sans avoir à payer, à rentabiliser. Les médiathèques sont un acquis social qu’on peut nous enlever, et c’est un acte militant de les fréquenter.

Et, je vous ai dit que c’était gratuit?


J’aimerais beaucoup que dans les commentaires, vous partagiez vos souvenirs de bibliothèque, vos coups de cœurs pour des médiathèques près de chez vous, les meilleures découvertes que vous avez faites dans votre médiathèque… Et si vous avez d’autres pistes pour les soutenir, allez-y, je mettrai mon article à jour!

"C'est trop jeunesse" ou comment les adultes expriment malgré eux leur mépris pour l'enfance.

mercredi 20 août 2025

Cela fait longtemps que je veux aborder un petit sujet qui me cause de gros soucis. Rien de grave, rien de terrible, vraiment, on peut tout à fait vivre sa vie avec honnêteté et bienveillance sans jamais avoir à se préoccuper de cette question.

Par contre si vous êtes quelqu’un qui lit et qu’il vous arrive de lire de la littérature de jeunesse, lisez-moi bien attentivement.

Dans ce domaine-là, je commence à m’y connaître : dix ans de librairie spécialisée, des centaines d’albums, de cartonnés et de petits romans dévorés, bref vous devriez déjà le savoir, c’est ma came et mon cheval de bataille. Et il y a une phrase qui me donne envie de prendre des gens en otage pour leur faire un petit cours particulier bien musclé.

Une phrase que je lis et entends partout. Dans la bouche de mes client·e·s, dans les avis de lecture sur les réseaux sociaux, dans les commentaires des parents, dans les pitchs que font mes représentant·e·s, et même parfois quand mes proches me parlent des derniers livres qu’ils ont lus. Ça me chatouille la veine de la tempe façon personnage de manga et je dois faire chaque fois preuve de beaucoup de patience pour que ça ne finisse pas en bras de fer de vocabulaire.

Alors à la place j’écris sur mon petit blog, franchement ça pourrait être bien plus violent cette histoire, je prends vachement sur moi.

Mais Jeanne, quelle est cette phrase, me demanderez-vous?

C’est ce petit commentaire à l’allure innocente, celui que l’on fait quand on ferme un roman jeunesse et qu’on hausse les épaules (parfois avec un peu de dédain) :

“C’est trop jeunesse.”

Parfois, pour certain·e·s de mes client·e·s, c’est une question:

“Vous êtes sûre Madame la Libraire? Ce n’est pas un peu trop ‘jeunesse’?


"C’est trop jeunesse" Mais qu’est-ce que ça veut dire?!

On inspiiiire, on expiiiire…

Ce n’est qu’une petite phrase de rien du tout, prononcée sans penser à mal, mais il faut que cela cesse.

Je sais ce que vous voulez dire. Vous voulez dire : “Je me suis ennuyé·e”, “C’était trop cliché”, “L’écriture est vraiment pas ouf”, “C’était très commercial”, “L’intrigue est trop facile”, “Je ne m’identifie pas aux personnages”, “…

…”Ce n’est pas de la vraie Littérature”.

Si, si, au fond, c’est un petit mélange de tout ça, que ça signifie. Je le sais, parce qu’il suffit qu’un roman jeunesse soit particulièrement aimé par les adultes pour qu’on entende très facilement une autre phrase:

C’est tellement bien que ça pourrait être de la littérature pour adultes.”

Ou bien sa sœur jumelle : “Je n’aurais jamais cru que c’était de la jeunesse.

Surprise! Dès qu’un roman jeunesse rencontre à la fois un succès d’estime et un succès populaire, c’est simple : on essaie de l’extraire de son rayon et on l’habille de bandeaux et de compliments pour le faire passer pour un roman “vieillesse” qu’on a gentiment prêté un temps aux enfants.

Quand “jeunesse” est utilisé comme un adjectif en littérature, c’est pour désigner les livres qui sont pensés, écrits, édités, produits et promotionnés pour les enfants. “La littérature jeunesse”, c’est un terme relativement très récent qui désigne une catégorie de productions littéraires pour la jeunesse, dont les contours sont flous et évoluent en même temps que les “jeunes” eux-mêmes. A chaque époque le rapport de la société à sa jeunesse change et la catégorie même des “jeunes” ne signifie pas la même chose dans l’Amérique des années 50 et dans la France de 2025.

Ma première vidéo sur Youtube, c'était pour définir la littérature jeunesse!
Si ça vous dit, la voilà!

MAIS quand “jeunesse” est utilisé comme un adjectif pour définir la qualité d’un texte et bah désolée, ça ne veut rien dire.

C’est un mot fourre-tout dans lequel, sans le savoir, on véhicule finalement une méconnaissance et un mépris pour la (littérature) jeunesse.

Mais qu’est-ce que je peux dire alors?!

Pas de panique, je ne vais pas vous laisser comme ça. Voici une petite liste de conseils pour convenablement critiquer votre texte jeunesse.

Au lieu de dire “C’est trop jeunesse”:

  • quand ça signifie “J’ai l’habitude de lire des textes différents” (intrigues plus complexes, écriture plus exigeante, sujets plus sombres ou plus matures, scènes plus difficiles…) → “C’est trop différent de ce que je lis d’habitude” ou si vous n’avez pas accroché, “Ce n’est pas pour moi”. Vous avez le droit de vous dire que ce n’est pas votre came, mais ne mettez pas tout sur le fait que c’est un livre pour enfants. Quelqu’un qui n’aime pas lire de thrillers et qui essaie un roman bien glauque avec des gens coupés en tous petits morceaux qu’on retrouve aux quatre coins d’une ferme abandonnée, je peux vous dire qu’iel va penser la même chose : “Ce n’est sans doute pas mauvais, mais ce n’est vraiment pas pour moi” (et iel ne dira jamais “c’est trop thriller”).
  • quand ça signifie “J’ai lu ça cent fois” (motifs qui reviennent souvent, dynamiques de personnages qu’on a beaucoup vues, manque d’originalité dans l’univers créé…) → Critiquez le genre. Surprise, en littérature jeunesse, il y a quasiment tous les genres représentés en littérature vieillesse. Et si vous trouvez que vous lisez trop d’histoires à base de “iel-est-l’élu·e-mais-ne-l’a-pas-décidé-et-iel-doit-sauver-le-monde-d’une-menace-magique-à-l’aide-de-ses-deux-ami·e·s”, questionnez la surabondance de clichés dans la fantasy.
  • quand ça signifie “Tous les livres jeunesse que j’ai lus se ressemblent je n’en peux plus” → Critiquez la surproduction littéraire. Il n’y a jamais eu autant de livres publiés, je peux vous dire que les libraires n’en peuvent plus non plus, que naviguer dans les programmes de nouveautés donne le tournis. Il y a trop de livres, et beaucoup n’existent que parce qu’il faut surfer sur des tendances sans avoir de véritable qualité littéraire. Ça peut être étouffant et c’est légitime!
  • quand ça signifie “C’était nul” (incohérences, écriture mauvaise, personnages qui font des choix absurdes, aucune surprise…) → “C’était nul”. Beh oui, comme en littérature vieillesse, des fois les livres sont nuls. Alors ne soyez pas vaches, n’allez pas étaler votre déception sur les réseaux sociaux, pensez aux cœurs des auteur·rice·s. Et avec vos proches, argumentez votre propos : qu’est-ce qui était nul à vos yeux, exactement?
  • et quand ça signifie “Je n’ose pas dire que j’aime lire de la littérature jeunesse parce que je suis un·e adulte respectable qui lit de vrais livres” → effectivement, vous n’étiez pas le public cible pour ce bouquin, il n’empêche que vous avez le droit de l’apprécier et de passer un bon moment. Il n’y a pas plus puéril que d’avoir peur d’avoir l’air puéril, non? Essayez plutôt : “C’était vachement chouette j’ai passé un bon moment” 😀

Et dernier point, au lieu de dire “C’était super pour de la jeunesse”, dites: “C’était super”. Enlevez le jugement de valeur, admettez que vous avez juste aimé votre lecture, même si vous faites partie d’un public accidentel pour ce titre. Et si vous devez argumenter auprès d’un·e proche qui hausse les sourcils quand il comprend que le livre dont vous parlez s’achète au rayon enfants, n’hésitez pas à vous inspirer de mon article pour le sortir de ses a priori.


Ce que ça dit de notre rapport à l’enfance

Je n’ai pas fait de recherches théoriques mais il me semble qu’être sans cesse surpris de trouver des œuvres de qualité quand elles sont adressées à la jeunesse, ça montre que notre société a beaucoup de mépris pour l’enfance. Qu’on ne l’écoute pas, qu’on ne la regarde pas, qu’on ne la prend pas en considération, qu’on estime qu’elle ne mérite pas d’avoir de belles œuvres parce qu’elle ne saura pas les apprécier.

C’est Clémentine Beauvais qui écrivait sur son blog : “Les adultes doivent apprendre à accepter l’existence d’une littérature d’excellence dont ils ne sont pas les destinataires privilégiés.” Il n’y a pas à se sentir exclu·e parce que le livre que vous avez aimé se trouve dans un rayon qui ne vous est pas dédié. Les enfants s’emparent de la littérature vieillesse tout le temps, vous avez le droit de faire des incursions en littérature jeunesse et d’aimer ça, même si ça n’a pas été écrit pour vous.

J'ai fait il y a quelques années une vidéo sur l'intérêt de lire de la littérature jeunesse
quand on n'est plus un enfant, je l'aime encore beaucoup!

Et vous avez peut-être dévoré La Passe-Miroir en vous demandant bien ce que ça faisait au rayon ado, n’empêche que ça a été écrit, édité, publié et promotionné pour des ados. Ça ne veut pas dire que vous devez vous excuser ou vous expliquer sur le plaisir que vous avez eu à lire cette série.

Je conclurai en disant que “C’est trop vieillesse de mépriser la littérature jeunesse”.

Et bim.

Il y a encore plein de choses à dire et je ferai sans doute un second article sur ce sujet, mais je suis curieuse d'avoir vos ressentis, n'hésitez pas à me laisser quelques commentaires pour me dire ce que vous pensez de tout ça!



Celui où elle donne cours à la fac

jeudi 31 juillet 2025

Je vous parlais il y a quelques temps de mon épanouissement personnel, de comment je m’éclate dans notre librairie, de chouettes opportunités qui me sont proposées… Et bah aujourd’hui justement, j’ai envie de faire un petit retour sur cette nouvelle aventure folle qui a été de, cette année, donner cours à des futur·e·s libraires à l’IUT Infocom de Tourcoing.

Qui?! Moi?! Pour de vrai??

Lors de la troisième année de leur BUT, les libraires en devenir ont beaucoup de cours de fonds, c’est à dire que des professionnel·les de la librairie se relaient pour leur présenter un rayon, ses spécificités, et dresser une bibliographie suffisante pour leur donner de bonnes bases pour leurs débuts en librairie. Iels sont tous·tes également en alternance lors de cette troisième année, alors iels ont tous·tes déjà une certaine connaissance du fonctionnement d’une librairie.

Et v’là-t’y pas qu’on me propose de donner le cours sur le roman ado… le roman junior? On va dire le roman jeunesse.*

*personne n’est jamais d’accord avec les étiquettes de ces rayons, qui changent sans cesse et qui englobe autant les petites séries divertissants comme Le journal d’un dégonflé et les traumatismes de Hunger Games. Donc : roman jeunesse. Voilà. Hop.

Quatre heures de cours, deux séances de deux heures, pour déverser mon savoir sur ce rayon de façon pédagogique, exhaustive et au moins pas trop plombante.

On me propose aussi de donner pour la première fois un cours sur le rayon jeunesse adapté et accessible! Un petit aperçu en deux heures, pour montrer un peu ce qui existe et que les étudiant·e·s puissent découvrir des adaptations qu’iels ne connaissent pas.

Je dis oui, banco, méga cool, trop contente. 

C’est parti mon kiki.

Pas facile de savoir par quel bout prendre ce machin-là. Mon expérience de l’enseignement se résume à deux années comme assistante pédagogique dans des écoles primaires où je faisais plus de rangement et de photocopies qu’autre chose. Et puis, SIX HEURES de cours, ça se remplit : au début, j’ai l’impression que je ferai le tour en vingt minutes et qu’il sera difficile de meubler. Je prends un petit bout d’histoire du roman jeunesse, je saupoudre d’études faites par le CNL, je remue quelques heures avant d’ajouter un soupçon d’expérience terrain…

Et puis finalement, elles sont finies, mes belles présentations. Je leur donne un look de journal intime pour faire “prof sympa” et puis de toute façon on va principalement parler de romans destinés aux 9-14 ans, alors autant partir dans un petit délire carnet secret.

Je ne pensais pas que je serais aussi stressée la veille de donner mon premier cours. Je vérifie douze mois mes horaires, le trajet, le numéro de la salle… J’ai l’impression de faire ma rentrée, et la voix de ma mère résonne dans ma tête, “il te faut une tenue de rentrée”, je vais compenser le manque d’assurance avec une tenue pleine de couleurs comme je les aime. Ça marche un peu, je suis prête.

J’arrive en avance et je m’installe dans une salle où une partie des étudiant·e·s est déjà installée. Notre propre étudiant-alternant de notre librairie à nous (coucou Valentin) me dégaine les deux pouces pour m’encourager. On est en avril, la salle est un terrarium, j’ai déjà méga chaud, heureusement que j’ai prévu une bouteille d’eau, ok tout le monde est là, on inspire et fiouuuuuu c’est parti!

Mon role model

Ça passe super vite, bien sûr, j’ai des échanges passionnant avec les étudiant·e·s, je suis de plus en plus à l’aise au fur et à mesure que je parle, et c’est déjà fini. Je recommence deux semaines plus tard avec la seconde partie du cours sur le roman, où tout le monde participe à faire des bibliographies de maboule-dingos sur les différents genres présents dans ce rayon. Encore un mois plus tard, je viens avec deux sacs de livres empruntés à la librairie, pour montrer aux étudiant·e·s à quoi ressemblent des livres traduits en FALC, des livres adaptés aux personnes dyslexiques, des livres en braille, des livres sur les habiletés sociales…

Ensuite, vient un moment rigolo, celui de corriger les devoirs donnés aux futur·e·s libraires sur le roman jeunesse. Je leur avais demandé de préparer une sélection sur le thème de leur choix, en essayant de ne choisir que des titres de maisons d’édition différentes. Et il y a eu des idées sensationnelles, j’ai été admirative devant autant de créativité, ça m’a fait chaud au cœur!


Qu’est-ce que j’ai appris en donnant ces six heures de cours?

  • Moi qui pensais passer inaperçue quand je dormais sur mon bras en cours à la fac : raté, ça se voit direct, lea prof ne peut pas le louper. Iel décide juste de n’en avoir rien à péter. (Et j’ai fait pareil.)
  • Je n’ai aucun problème à parler pendant deux heures de littérature de jeunesse. Donnez-moi un auditoire et je fais un exposé sur ce que vous voulez. JE GÈRE. Alors ok j’avais bossé le sujet mais j’ai fait des digressions ou des précisions, de tête, dont je ne me savais pas capable. Je commence à vraiment bien m’y connaître, mine de rien. Et j’arrive même à faire des petites blagues pour que le-dit auditoire pense passer un bon moment.
  • Un peu dans la même veine : je commence à avoir pas mal d’expérience en librairie (11 ans cet automne mine de rien!) et j’ai suffisamment de bouteille pour pouvoir donner des conseils de rangement, d’animation ou de théâtralisation sans aucun souci.
  • Je sous-estimais le temps passé sur les corrections et le casse-tête des barèmes de notation. Big up à tou·te·s les enseignant·e·s qui passent un temps incalculable à travailler loin des regards pour corriger des piles de copies. C’est un travail titanesque.

Et puis surtout : j’ai adoré cette expérience. La littérature jeunesse, c’est une très grosse partie de ma vie, et de pouvoir compiler ce que j’ai appris et expérimenté dans mon travail m’a beaucoup plu. J’ai à la fois eu la sensation de faire un bilan de ce que je sais, et de partager ça avec des gens que ça intéresse (…ou qui étaient obligé·e·s de m’écouter. Meh. Ça me va aussi.)


Je rempile pour une nouvelle année en 2025-2026, j’ai pris des notes sur ce que je veux améliorer, et j’espère pouvoir transmettre une infime partie de mon attachement à la littérature jeunesse à une nouvelle vingtaine d’apprenti·e·s libraires.

 
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