Celui où elle donne cours à la fac

jeudi 31 juillet 2025

Je vous parlais il y a quelques temps de mon épanouissement personnel, de comment je m’éclate dans notre librairie, de chouettes opportunités qui me sont proposées… Et bah aujourd’hui justement, j’ai envie de faire un petit retour sur cette nouvelle aventure folle qui a été de, cette année, donner cours à des futur·e·s libraires à l’IUT Infocom de Tourcoing.

Qui?! Moi?! Pour de vrai??

Lors de la troisième année de leur BUT, les libraires en devenir ont beaucoup de cours de fonds, c’est à dire que des professionnel·les de la librairie se relaient pour leur présenter un rayon, ses spécificités, et dresser une bibliographie suffisante pour leur donner de bonnes bases pour leurs débuts en librairie. Iels sont tous·tes également en alternance lors de cette troisième année, alors iels ont tous·tes déjà une certaine connaissance du fonctionnement d’une librairie.

Et v’là-t’y pas qu’on me propose de donner le cours sur le roman ado… le roman junior? On va dire le roman jeunesse.*

*personne n’est jamais d’accord avec les étiquettes de ces rayons, qui changent sans cesse et qui englobe autant les petites séries divertissants comme Le journal d’un dégonflé et les traumatismes de Hunger Games. Donc : roman jeunesse. Voilà. Hop.

Quatre heures de cours, deux séances de deux heures, pour déverser mon savoir sur ce rayon de façon pédagogique, exhaustive et au moins pas trop plombante.

On me propose aussi de donner pour la première fois un cours sur le rayon jeunesse adapté et accessible! Un petit aperçu en deux heures, pour montrer un peu ce qui existe et que les étudiant·e·s puissent découvrir des adaptations qu’iels ne connaissent pas.

Je dis oui, banco, méga cool, trop contente. 

C’est parti mon kiki.

Pas facile de savoir par quel bout prendre ce machin-là. Mon expérience de l’enseignement se résume à deux années comme assistante pédagogique dans des écoles primaires où je faisais plus de rangement et de photocopies qu’autre chose. Et puis, SIX HEURES de cours, ça se remplit : au début, j’ai l’impression que je ferai le tour en vingt minutes et qu’il sera difficile de meubler. Je prends un petit bout d’histoire du roman jeunesse, je saupoudre d’études faites par le CNL, je remue quelques heures avant d’ajouter un soupçon d’expérience terrain…

Et puis finalement, elles sont finies, mes belles présentations. Je leur donne un look de journal intime pour faire “prof sympa” et puis de toute façon on va principalement parler de romans destinés aux 9-14 ans, alors autant partir dans un petit délire carnet secret.

Je ne pensais pas que je serais aussi stressée la veille de donner mon premier cours. Je vérifie douze mois mes horaires, le trajet, le numéro de la salle… J’ai l’impression de faire ma rentrée, et la voix de ma mère résonne dans ma tête, “il te faut une tenue de rentrée”, je vais compenser le manque d’assurance avec une tenue pleine de couleurs comme je les aime. Ça marche un peu, je suis prête.

J’arrive en avance et je m’installe dans une salle où une partie des étudiant·e·s est déjà installée. Notre propre étudiant-alternant de notre librairie à nous (coucou Valentin) me dégaine les deux pouces pour m’encourager. On est en avril, la salle est un terrarium, j’ai déjà méga chaud, heureusement que j’ai prévu une bouteille d’eau, ok tout le monde est là, on inspire et fiouuuuuu c’est parti!

Mon role model

Ça passe super vite, bien sûr, j’ai des échanges passionnant avec les étudiant·e·s, je suis de plus en plus à l’aise au fur et à mesure que je parle, et c’est déjà fini. Je recommence deux semaines plus tard avec la seconde partie du cours sur le roman, où tout le monde participe à faire des bibliographies de maboule-dingos sur les différents genres présents dans ce rayon. Encore un mois plus tard, je viens avec deux sacs de livres empruntés à la librairie, pour montrer aux étudiant·e·s à quoi ressemblent des livres traduits en FALC, des livres adaptés aux personnes dyslexiques, des livres en braille, des livres sur les habiletés sociales…

Ensuite, vient un moment rigolo, celui de corriger les devoirs donnés aux futur·e·s libraires sur le roman jeunesse. Je leur avais demandé de préparer une sélection sur le thème de leur choix, en essayant de ne choisir que des titres de maisons d’édition différentes. Et il y a eu des idées sensationnelles, j’ai été admirative devant autant de créativité, ça m’a fait chaud au cœur!


Qu’est-ce que j’ai appris en donnant ces six heures de cours?

  • Moi qui pensais passer inaperçue quand je dormais sur mon bras en cours à la fac : raté, ça se voit direct, lea prof ne peut pas le louper. Iel décide juste de n’en avoir rien à péter. (Et j’ai fait pareil.)
  • Je n’ai aucun problème à parler pendant deux heures de littérature de jeunesse. Donnez-moi un auditoire et je fais un exposé sur ce que vous voulez. JE GÈRE. Alors ok j’avais bossé le sujet mais j’ai fait des digressions ou des précisions, de tête, dont je ne me savais pas capable. Je commence à vraiment bien m’y connaître, mine de rien. Et j’arrive même à faire des petites blagues pour que le-dit auditoire pense passer un bon moment.
  • Un peu dans la même veine : je commence à avoir pas mal d’expérience en librairie (11 ans cet automne mine de rien!) et j’ai suffisamment de bouteille pour pouvoir donner des conseils de rangement, d’animation ou de théâtralisation sans aucun souci.
  • Je sous-estimais le temps passé sur les corrections et le casse-tête des barèmes de notation. Big up à tou·te·s les enseignant·e·s qui passent un temps incalculable à travailler loin des regards pour corriger des piles de copies. C’est un travail titanesque.

Et puis surtout : j’ai adoré cette expérience. La littérature jeunesse, c’est une très grosse partie de ma vie, et de pouvoir compiler ce que j’ai appris et expérimenté dans mon travail m’a beaucoup plu. J’ai à la fois eu la sensation de faire un bilan de ce que je sais, et de partager ça avec des gens que ça intéresse (…ou qui étaient obligé·e·s de m’écouter. Meh. Ça me va aussi.)


Je rempile pour une nouvelle année en 2025-2026, j’ai pris des notes sur ce que je veux améliorer, et j’espère pouvoir transmettre une infime partie de mon attachement à la littérature jeunesse à une nouvelle vingtaine d’apprenti·e·s libraires.

Manifeste pour la littérature jeunesse de demain

lundi 21 avril 2025

Cet article a été écrit pour le n°100 de Citrouille, la revue des librairies Sorcières (spécialisées en littérature jeunesse). On y fête bien sûr le numéro 100 du magazine, et j'ai voulu écrire un petit quelque chose pour imaginer la littérature jeunesse de demain!

Vous pouvez retrouver Citrouille en consultation gratuite sur le site Citrouille Hebdo, et feuilleter ce numéro en cliquant ici ou en le réclamant dans votre librairie sorcière préférée (il est gratuit!).

La littérature jeunesse a toujours été une éclaireuse. Elle est la marmite magique où bouillonnent les idées nouvelles, les utopies ensoleillées et les lendemains qui chantent.

Ces dernières décennies, on a vu déferler dans les rayons des livres un peu moins roses et bleus, blancs, neurotypiques, validistes. Quelle bouffée d’air frais! Enfin, les livres que nous mettions à disposition de la jeunesse représentaient un peu mieux la vraie vie, riche et pétillante. Ces tendances suivaient les mouvements sociaux : les soulèvements lors de #MeToo ou de #BlackLivesMatter, de meilleures compréhensions des troubles neuroatypiques, un climat propice à une plus grande expression des identités LGBTQIA+, une prise de conscience croissante de l’urgence climatique…

Mais il y a encore du chemin à faire, et à l’heure où les fascismes montent en puissance partout dans le monde et les discours de haine décomplexés pullulent dans la sphère publique, les auteur·ices, éditeur·ices et illustrateur·ices ont un rôle à jouer. Et les libraires, médiathécaires, professionel·les du livre et de l’enfance se doivent d’accompagner les efforts éditoriaux pour encourager la jeunesse à cultiver l’espoir, l’empathie et la joie d’être soi-même.

Alors profitons de ce centième numéro de Citrouille pour imaginer de nouvelles recettes. Coiffons nos chapeaux pointus et penchons-nous sur notre chaudron : essayons d’y mettre ensemble, professionnel·les du livre, lecteur·ices curieux·ses et rêveur·ses de demain, les ingrédients pour une littérature jeunesse plus savoureuse.

D’abord, laisser la parole aux personnes concernées. La plupart des récits ownvoice* que nous avons en littérature jeunesse en francophonie sont des traductions de l’anglais. L’édition française est encore frileuse à l’idée de publier des livres écrits par des auteur·ices minorisé·es, prétextant parfois que cela rendra le texte “communautaire” ou “trop niche” et qu’il n’aura pas de succès commercial. Les maisons d’édition préfèrent miser sur des succès qui ont fait leurs preuves en anglophonie pour diversifier leur catalogue plutôt que de défendre des textes francophones. Il y a donc très peu de textes qui représentent la spécificité francophone de certaines expériences minorisées. Par exemple, nous avons des dizaines de romans young adult, dans la veine de The Hate U Give d’Angie Thomas, qui dépeignent le racisme systémique américain : nous avons encore trop peu de récits qui mettent en scène ce que c’est d’être noir·e en France, pays qui a une histoire coloniale et un rapport à la race très différents des Etats-Unis.

*ownvoice : ”sa propre voix” en anglais : terme créé par Corinne Duyvis, il signifie que le livre, s’il parle d’une personne ou d’un groupe marginalisé, a été écrit par quelqu’un qui fait partie de ce même groupe marginalisé.

Attention, il n’est pas question d’interdire aux auteur·ices d’écrire sur des sujets qui ne les concernent pas directement! Tout le monde peut s’emparer de tous les sujets! Mais il serait peut-être judicieux de systématiser le recours à des spécialistes de la relecture sensible. La relecture sensible consiste à faire appel à un·e spécialiste du sujet dont il est question dans le livre, qui est généralement concerné·e par la question, pour qu’il ou elle apporte un éclairage sur le texte et indique les problématiques liées à certaines expressions ou façon d’écrire les personnages. Par exemple, il ou elle peut suggérer l’utilisation d’une autre expression à la place de celle employée initialement pour décrire le physique d’un personnage, en expliquant que le texte original est porteur de biais discriminants. Libre à l’auteur·ice de prendre ces suggestions en compte : le tout est de prévenir que “cette phrase tournée de cette façon peut faire du mal à quelqu’un” (Kanelle Valton, relectrice sensible). Cette pratique est systématique dans les pays anglo-saxons, et de plus en plus de spécialistes proposent leurs services en France.

On aimerait beaucoup que les personnes marginalisées puissent vivre des aventures entre les pages qui ne soient pas en rapport avec leur marginalisation. On veut plus de petites héroïnes grosses qui vivent autre chose qu’une histoire de régime, des petits héros malentendants qui explorent des mondes magiques, des adolescents neuroatypiques qui vivent une grande histoire d’amour, des jeunes gens non-blancs qui vivent autre chose que des violences policières! La réalité est bien plus inventive que la fiction, il faut s’en inspirer! Il pourrait être aussi intéressant de développer l’accessibilité à la lecture pour les publics empêchés : à l’heure où les diagnostics de troubles dyslexiques et de troubles de l’attention se multiplient, s’assurer que les catalogues soient les plus accessibles possibles permet à certains publics éloignés de la lecture de s’en emparer. On aimerait plus de livres dys, de livres en FALC*, de livres audios dès la sortie des titres, et pas des adaptations dix ans plus tard!

*FALC = Facile à Lire et à Comprendre. C'est une méthode qui a pour but de traduire un langage classique en langage compréhensible par tous. Le texte ainsi simplifié peut être compris par les personnes en situation de déficience intellectuelle, mais aussi par d’autres comme les personnes dyslexiques, malvoyantes, les personnes âgées, les personnes qui maîtrisent mal le français.

Enfin, il conviendrait peut-être que chaque maison d’édition questionne son catalogue, que chaque librairie interroge son assortiment, que chaque médiathèque étudie son fonds, afin de vérifier que toutes et tous peuvent se sentir visibles. L'invisibilisation est la grande ennemie de l'altruisme et de l'ouverture d'esprit, alors rendre visible est un acte politique et humaniste. Rendre visible, c'est valider le droit à toutes les expériences humaines d'exister et de prendre de la place. Il existe des tas de ressources pour diversifier sa bibliothèque, il faut s’en emparer.

Nous avons donc déjà à notre portée tous les ingrédients qu’il nous faut : à nous de trouver une recette épatante pour qu’au numéro deux cents de Citrouille, nous soyons fières du chemin parcouru!

Je suis curieuse de connaître votre avis sur ces questions! N'hésitez pas à me laisser des commentaires pour me dire ce que vous, vous espérez voir dans la littérature jeunesse de demain!

C'est le printemps! Sélection bibliographique pour la jeunesse : albums de 0 à 8 ans!

mardi 8 avril 2025

On y est, enfin! Après un hiver tout doux mais toujours trop long, voici le printemps, qui amène avec lui le soleil, la douceur, les abeilles et les fleurs. C’est le moment où, chaque année, à la librairie, je ressors les plus jolis livres pour faire fleurir vos bibliothèques, vos salles de classe et vos week-ends champêtres. Je vous ai fait ici une petite sélection non exhaustive de très chouettes livres cartonnés, albums, documentaires et livres musicaux! 

Il est bien sûr impossible de parler de tous les merveilleux livres qui existent. Je me suis concentrée sur l'aspect réveil de la nature et observation du jardin! Je ferai sans doute d'autres sélections plus centrées sur les oiseaux, le cycle de l'eau ou la forêt un peu plus tard... Oh, et si vous avez une référence adorée à ajouter, n’hésitez pas à la laisser dans les commentaires!

Disclaimer : Cet article a des liens affiliés avec le site leslibraires.fr. Cela signifie que si vous décidez d’acheter l’un de ces livres via le lien que j’ai mis sur chaque titre, non seulement vous soutiendrez une librairie indépendante, mais aussi mon petit travail de sélection! Pour rappel, les livres neufs sont au même prix partout en France, alors autant passer par une librairie près de chez vous!

 
Découvrir et nommer le printemps:

Petites histoires de printemps:


Je sème, j'arrose, je vois des choses qui poussent! :

Observer et comprendre le printemps:

Créer et bricoler au printemps:

Écouter le printemps:
Et voilà pour aujourd'hui! Ce fut super difficile de ne choisir "que" ces 24 titres-là. Si vous avez d'autres incontournables sur le sujet à partager, n'hésitez pas à les ajouter dans les commentaires, pour que vous puissiez vous aussi conseiller des bons titres et des bonnes idées!

Il y a plein d'autres thèmes que l'on pourrait aborder pour fêter le printemps: les oiseaux, les insectes, le cycle de l'eau, les fées, l'initiation à l'écologie... Si cette sélection vous a plu, n'hésitez pas à me dire si vous aimeriez que je vous en concocte d'autres, et à me donner les thèmes qui vous intéresseraient le plus!

Si vous cherchez plus d'idées, je vous encourage à découvrir cette vidéo sur ma chaîne Youtube:

Merci à toutes et tous d'être passés par ici, et à très vite pour une nouvelle sélection!



 
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